Corto74 vient de publier le témoignage d'Eric Le Boucher, journaliste.
Il a assisté hier, dans le quartier latin à une scène de western aussi incroyable que violente et il est tombé des nues. Pourtant, voilà déjà un moment que ce genre de chose se produit et bien peu de voix s'élèvent parmi les journalistes pour dénoncer.
Là, par chance, Eric Le Boucher a vu.
Scandalisé, il publie une lettre adressée François Hollande et Manuel Valls, pour leur demander d'arrêter ça. Elle est publiée dans Les Echos, dont il est directeur de la rédaction.
L'entendront-ils?
" MESSIEURS HOLLANDE ET VALLS, RANGEZ VOS FLICS
La loi sur le mariage est votée, les manifestants qui continuent de s'y opposer sont de moins en moins nombreux: un peu de sagesse devrait vous conduire à calmer vos troupes lors des arrestations des anti-mariage.
Il est 20h30 samedi, je rentre de dîner avec un ami dans un restaurant du carrefour de l’Odéon. Nous marchons rue Saint-Sulpice quand, derrière nous, des cris, deux motos de la police à fond, une personne, un homme très jeune, court sur le trottoir. Il s’arrête fait demi-tour, reprend sa course. La première moto pile, fait demi-tour à son tour, monte sur le trottoir et fonce. La seconde la suit. On se dit, avec mon ami, qu’il s’agit d’un voleur de sac. Et que les policiers ont l’air très énervés. Sur le même trottoir, courent vers nous deux autres jeunes hommes et une jeune femme puis ils s’arrêtent tous essoufflés. On leur demande ce qui se passe.
- «Une manif anti-mariage gay», nous dit un garçon, genre propre sur lui, souriant, pas du tout l’air d’un casseur. Je lui demande pourquoi les flics… mais il n’a pas le temps de répondre, deux voitures de police, puis trois, foncent dans notre direction, bloquent le croisement avec la rue Mabillon. Tout va très vite.
Les policiers sortent des voitures, sautent sur un des jeunes, le ceinturent, le poussent brutalement vers une voiture. La fille sort son portable pour prendre une photo. Elle est immédiatement ceinturée et emmenée à son tour. D’une voiture banalisée sortent deux hommes, qui foncent sur un autre jeune, et le jettent par terre avec violence. D’autres voitures passent à fond, freinent à mort, des policiers en sortent, attrapent d’autres jeunes.
Les passants s’émeuvent de ces comportements de cowboys. Vue l’amabilité affichée par ces jeunes, personne ne comprend. Je leur montre ma carte de presse, m’approche des voitures demande: «pourquoi les arrêtez-vous? Qu’ont-ils fait?». Pas de réponse. Je brandis ma carte devant les yeux du motard qui semble un peu le chef avec ses trois galons, mêmes questions. Il s’approche très près, me parle les yeux furieux: «demandez au service de presse de la préfecture, nous n’avons rien à vous dire». J’insiste, demande s’ils ont cassé quelque chose… «Demandez au service de presse» et comme je me retourne pour essayer de poser les mêmes questions à d’autres, il me poursuit, sans me repousser et ni me toucher, mais avec un ton qui monte.
Les voitures partent. D’autres jeunes viennent me voir, ils m’ont vu poser des questions, je dis que je suis journaliste. Un certain Maxime me raconte qu’ils étaient une centaine à aller manifester devant le Conseil constitutionnel, puis ont traversé le Louvre et se sont retrouvés place Saint-Michel en montant vers le Sénat.
Là, les CRS les ont bloqué. Certains ont alors descendu la rue de Tournon et c’est là que la police est entrée en action pour, ce que je comprends, les poursuivre et les arrêter. Course des manifestants, virage à gauche dans la rue Saint-Sulpice, où je les vois.
Combien sont-ils? Une dizaine ou une vingtaine, sans doute, âgés de 18-22 ans. Aucun n’a cassé quoique ce soit, ils ont peur, ils courent pour échapper aux flics qui, eux, font preuve d’une violence hors de propos et, tel est le sentiment des passants, d’une joie évidente à faire les cowboys dans la rue.
Je raconte cet épisode pour arriver à ceci: messieurs Hollande et Valls, vous venez en un quart d’heure de perdre une centaine d’électeurs dans un quartier où vous avez de nombreux sympathisants. Les jeunes qu’on pourchasse dans le quartier latin qu’on arrête pour les envoyer à «Beaujon» et les ficher, me rappellent mes années Pompidou. Apprenez donc Manuel Valls, que la matraque c’est la «contingence» sartrienne, celle qui vous fait voter, pour des décennies, contre le pouvoir qui cogne.
Tout ça inutilement Monsieur le ministre de l’intérieur. La loi est passée, il ne sont que cent à manifester, leur nombre diminue. Certes, je ne sais pas ce que ces jeunes ont fait pour être pourchassés ainsi: ont-ils attaqué les policiers? Ou des passants? Un peu de sagesse devrait quand même vous conduire à calmer vos troupes qui, elles, on le sait depuis toujours, ne se refusent jamais un rodéo.
Monsieur Hollande, ne soyez pas le Georges Pompidou de gauche. Ne laissez pas la haine contre vous s’installer dans la jeunesse de droite. Ce n’est pas ce que vous souhaitiez. Ce n’est pas votre genre. C’est un très mauvais résultat politique.
Libérez ces jeunes au plus vite et rangez vos flics. "
Tu as eu raison de publier toi aussi cette lettre. Drôle tout de même qu il ait fallu que ce journaliste se promène et soit confronté brutalement à ces violences policières pour qu'il daigne enfin en parler.
RépondreSupprimerLes journalistes, sur le sujet, ont quand même de sacrés problèmes autistiques, non ?
nb: ça se dit " autistiques " ?
Corto, soyons magnanimes. Il n'est jamais trop tard pour ouvrir les yeux.
Supprimer"Autistique", oui, ça se dit :)
Je crois surtout qu'ils sont tellement enfermés dans leur bulle parisienne consanguine, qu'ils ont beaucoup de mal à avoir un regard neutre. Mais on dirait que la bulle commence à se fissurer.
Tout espoir n'est pas perdu!
sera-t-il relayé par certains collègues, c'est ça qui serait intéressant à voir !
RépondreSupprimerEn effet Boutfil, c'est toute la question.
SupprimerSon article est tout frais. Voyons ce qu'il va devenir.
Aujourd'hui, aucun relais. Mais c'est dimanche...
Des violences policières, il y en a toujours eu, faut aller faire un tour dans certaines banlieues.
RépondreSupprimerEn effet Fred,. Mais est-ce une raison pour les accepter et taire ce qui s'est passé samedi soir?
SupprimerNon bien sur mais quand les CRS foutent sur la gueule de salariés manifestants parce que leur boite est délocalisée, personne à droite ne s'apitoie non plus.
SupprimerIl y en a qui s'apitoient, d'autres qui s'en foutent.
SupprimerLa couleur politique n'a rien à voir là-dedans.
Ça serait trop simple.
Aucun policier n,a protesté, aucun n'a démissioné, aucun n'a cherché à contrecarrer ces ordres de gaystappettes.
RépondreSupprimerMême les Américains et les Britanniques en 45 ont cherché à ne pas appliquer les accords secrets de yalta sur le fait de livrer à Staline les ressortissants "soviétiques" qui avaient servi dans la WH.
Pour ceux qui croient encore que la police est là pour protéger les honnêtes citoyens...
Les flics font les malins face aux gens qui ne souhaitent pas entrer dans un rapport de force et sont bien moins flambards autrement.
Ils se coupent ainsi complètement du pays réel, du vrai peuple qu'ils sont censés servir.
Tchetnik, il n'est pas si facile de démissionner (surtout pour un agent de la fonction publique. Pardonnez-moi, mais je ne pouvais pas rater cette occasion d'en remettre une couche).
SupprimerContrecarrer les ordres, oui, ils devraient si les ordres les poussent à commettre des illégalités. Et encore...Car de toute façon, c'est se condamner à moisir toute sa carrière à un poste archi pourri et dans la police, on sait ce que poste archi pourri veut dire. C'est le bagne.
Donc je ne les blâme pas de faire profil bas.
En revanche, ils ne sont obligés ni de faire du zèle, ni de cogner comme des furieux. Ni même de courir vite, ni d'attraper les gars.
Bref, ils peuvent faire le minimum syndical.
Certains le font, paraît-il.
D'autres non.
Le problème étant qu'ils ne se contentent pas du minimum syndical mais font effectivement du zèle, probablement pour avoir leur gamelle de soupe, comme vous dites, ce qui n,est pas une attitude digne.
SupprimerAprès, on peut démissionner, si, on n'est pas obligé de cautionner le deshonneur.
Bien des gens le firent autrefois, sans oublier ces gens qui préférient mourir que de renier ce qui faisait la beauté et la Vérité. Je sais bien que n'est pas Prince Lazare, Saint Maurice d'Agaune ou Vartan Mamigonian qui veut, mais il existe un minimum de vertu à servir, surtout quand on est sous un uniforme et qu'on se présente comme exemplaire.
On peut comprendre la faiblesse, bien humaine. Mais la paresse comme la lâcheté sont inadmissibles.
Surtout quand elles s'accompagnent de violences commises à bon compte, d'injustice et de leçons données.
Tchetnik, entre faire du zèle et rester pour ne pas finir à la rue, il y a tout de même une marge!
SupprimerEnsuite, en effet, n'est pas Siegrfried qui veut. Les hommes ne sont que des hommes.
Sinon, vous avez raison: la paresse, la sournoiserie et la lâcheté ne sont pas jolies ni enviables.
Certains n'ont pas fini à la rue, mais en camp de détention ou devant un peloton.
SupprimerLe polygone de tir de Butovo raconte plein d'histoires de gens ordinaires, pas nécessairement plus courageux que ça, mais qui ont eu le courage de leurs convictions et de leurs choix.
Et sans aller jusque là les exemples de gens qui, même avec une famille à charge ont préféré l'honneur à la gamelle existent et sont nombreux.
Mais pour cela encore faut-il avoir des convictions qui dépassent le bout de ses points retraite. Et avoir un courage qui ne se limite pas à matraquer des lycéens et gazer des jeunes filles.
Ces flics ne valent pas mieux que les tchékistes et finiront pareil. Sans comprendre ce qui leur arrive.
Merci de relayer cette lettre afin de suppléer à cette désolante omerta de la pensée unique.
RépondreSupprimerJ'en profite pour découvrir votre blog, je ne vous connaissez pas, mais nous sommes si nombreux blogueurs!
Bonsoir Ladywaterloo et merci de votre visite.
SupprimerJe vous en prie. Disons que je fais ce que je peux, à mon tout petit niveau.
Un blog sert aussi à relayer l'information et en ce moment, ce n'est pas inutile. Omerta..oui, nous n'en sommes pas loin.
A bientôt!
Ce qui me choque, ce ne sont pas les violences (une loi de droite et des mécontents de gauche auraient à peu près le même résultat) mais en effet, les journalistes d'aujourd'hui sont fascinants par leur mutisme et surtout leur absence de fond. Comment choisissent-ils l'information? Ou est l'impartialité et l'enquête de terrain? C'est minable.
RépondreSupprimerA la fac de journalisme (autant dire pas la voie royale pour y arriver), j'avais un prof complètement barjot qui nous a expliqué comment le journalisme manipulait l'opinion avec des informations inconscientes: programme type de la manipulation: envoyé spécial.
Je n'ai pas fait de journalisme après. Et je n'allume la télé que pour choisir des dessins animés pour mes enfants ou regarder un dvd.
A la radio, pareil. A part certaines émissions de france culture, qu'écouter? Même la minute d'informations de FIP est décevante ces temps ci.
mp, dans la mesure où la presse est subventionnée, j'ai bien peur qu'elle ait un peu vendu son âme au diable.
SupprimerEnsuite, les journalistes évoluent au sein de cercles assez fermés, ce qui ne les aide pas toujours à diversifier leurs interprétations. Ajoutons à ça leur hantise d'être mis sur la touche par un concurrent aux dents plus longues.
Dans ces conditions, pas très étonnant qu'ils aient de plus de mal à ouvrir les yeux sur ce qu'il faudrait et qu'ils perdent peu à peu leur indépendance.
ça alors, il est des violences qu' on médiatise et d' autres qu' on ne médiatise pas, je me demande bien pourquoi...
RépondreSupprimerOn se perd en conjectures, orfeenix!
SupprimerD'accord avec " mp ", au cours d'histoire nous avons appris comment les médias allemands ont manipulés les foules pour les préparer a accepter l’inacceptable.
RépondreSupprimerIls sont des vecteurs de guerres infaillibles, exemple l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, pour ne citer que ces deux-là.
@Nadezda : tu peux attraper tes cours d'histoire et les balancer à la poubelle. Les médias, en 1933, étaient fort réduits. Ce ne sont pas les médias qui ont poussé les Allemands dans les bras d'Hitler mais la misère et le bordel politique organisé.
RépondreSupprimerLe Traité de Versailles ampute l'Allemagne de ses territoires à l'Est dont le fameux couloir de Dantzig, reprend l'Alsace et la Lorraine, s'empare de la Sarre et des colonies africaines. Il impose la démilitarisation et la livraison d'armes et de matières premières comme le charbon et l'acier, en plus des dédommagements de guerre.
La République de Weimar est dans l'impossibilité de rembourser aussi vite qu'elle le devrait. Les Français et les Belges s'emparent donc de la Ruhr et revendent aux Allemands le charbon et l'acier que ces derniers ont eux-même produits ainsi que les céréales. Les Français occupent la rive gauche du Rhin. Un vif mécontentement agite les militaires allemands de l'époque et la population allemande vit dans la pauvreté.
1929 : Krach boursier. Allemagne est touchée de plein fouet. Les paysans hypothèquent leurs récoltes sur plusieurs années auprès des banques tandis que la masse ouvrière est frappée par un chômage exponentiel. Les hivers 1929-30-31 sont catastrophiques et les étés trop humides : les récoltes pourrissent sur pied. Endettés, nombre de paysans se suicident, obligeant leurs femmes et leurs enfants, expulsés, à rejoindre les grandes villes pour faire la queue à la soupe populaire. La pénurie alimentaire, due aux livraisons en France et en Belgique, et le chômage sont tels que les morts par famine et de froid deviennent monnaie courante à Berlin. L'inflation rend tout salaire absurde. Ainsi mon arrière-grand-père maçon était payé chaque jour 4 milliards de marks qu'il rapportait dans deux valises jusqu'à la boulangerie où sa femme et son fils faisaient la queue depuis le matin. 4 milliards c'était le prix d'un pain.
Mon arrière-grand-mère a retiré sa dote de 8 000 marks or de la banque et a eu juste le temps d'acheter 12 jeunes oies avant que les prix ne tournent au délire. Et les chômeurs, au nombre de 10 millions, en 1930, se suicident en masse, laissant des familles entières à la rue.
Pendant ce temps-là, les Alliés continuaient à pomper les richesses du pays occupé.
Le parti bolchévique et le nouveau parti national-socialiste s'affrontent à coups de barre de fer dans les rues des grandes villes. La République de Weimar est incapable de redresser la situation.
Un certain Adolf Hitler promet en 1933 aux Allemands du travail, du pain et le refus du paiement des dédommagements. Le 27 février 1933, accusant les communistes et les socio-démocrates de l'incendie du Reichstag, Hitler se débarrasse d'eux avant d'aller chercher l'argent là où il est pour préparer la guerre.
On connait la suite...
Tu as raison dans ce que tu écris mais Goebbels a utilisé toutes les techniques (radio, cinéma, journaux, meeting) pour convaincre les allemands que le nazisme était la solution à la crise économique qui sévissait.
SupprimerComme tu le dis, on connait la suite.
Nadezda et lecanasson, vous avez raison toutes les deux. Sans ce contexte catastrophique, les Allemands n'auraient sûrement pas cru les délires d'Hitler ni foncé dans la guerre. Sans les médias, la propagande n'aurait pas pu se mettre en place et on peut parier que le nazisme aurait fait long feu assez vite.
SupprimerC'est pas faux.
SupprimerOn a la situation et le plein de médias.
Ca va être grandiose !!!
Il faut que les journalistes soient témoins d'une scène de violence pour devenir conscients ?
RépondreSupprimerFaut qu'ils sortent plus souvent alors, et pas que dans les grands restos !
Une pizzeria Pino suffira.