D'abord, je suis en retard: j'aurais dû le chatouiller voilà déjà quinze jours-trois semaines. Seulement c'est le moment qu'a choisi la Sibérie pour nous rappeler à son bon souvenir: tout s'est figé ans la glace. Quand c'est comme ça, le sol se transforme en béton et essayez toujours d'y planter ne serait-ce qu'un couteau. Bernique!
Qui plus est, même bien équipée, je n'avais pas trop envie de jouer les forçats du Goulag en m'échinant dehors par des températures pareilles.
Ensuite, le jardin, j'avoue la honte au front que depuis deux hivers au moins, je le délaisse. Il est bon zig et il n'en a pas trop profité pour faire le fou. Pas d'invasion d'orties, pas de chardons partout dans
Il a pas trop râlé, mais là, je sentais bien qu'il allait me le faire payer si je lui faisais pas son petit soin d'hiver.
Déjà l'an dernier, il a boudé et m'a donné moins de fruits que d'habitude.
Et puis il a laissé des rejets de cerisiers envahir les recoins.
Les rosiers étaient rabougris.
En clair, il commençait m'en vouloir.
Peut-être même à dépérir.
Là, j'ai pris les choses en main, comme au bon vieux temps.
L'urgence, c'était de mettre de l'engrais au pied des fruitiers et des rosiers, pour qu'ils reprennent des couleurs.
Vacherie! Ça fait bien plus de deux ans, parce qu'avant, j'avais une réserve de sacs de fumier de cheval et ça fait belle lurette qu'elle est épuisée... Bon.
Donc, plus de fumier. Dommage. C'est le top du nec plus ultra le fumier de cheval. Les jardins adorent ça. Ils deviennent tout fous quand on leur en donne et se mettent à faire plein de fruits et plein de fleurs magnifiques.
Heureusement, j'avais une solution de secours: le compost. Oui, la terre noire et très riche que des armées de vers de terre très sympas fabriquent avec les épluchures et les fruits pourris qu'on veut bien leur donner.
C'est gratuit, ça sent bon et je me suis laissé dire que les jardins ne crachaient pas dessus non plus.
Ça tombait bien, mon tas de compost menaçait de devenir envahissant: du 5 ans d'âge au moins. Super choix.
Quand j'ai attaqué le tas par la face sud. Rude boulot.
J'ai dû remplir trois brouettes à ras bord pour le satisfaire.
Goulu!
En creusant dans le tas, j'ai enfin compris pourquoi mon jardin était envahi, le printemps venu, de gros cétoines dorés friands de pétales de roses.
Mon compost est un dortoir pour bébés cétoines.
Bébés |
Adulte |
J'en ai dérangé plein.
J'ai répandu mon or noir un peu partout là où il fallait.
Ensuite, les bras engourdis de futures courbatures, j'ai entrepris d'inspecter les détails: mine de rien, le gel tardif a fait des dégâts.
Là, rien de bien méchant. Les feuilles ont brûlé, mais elles repoussent déjà.
Là, par contre, c'est l'hécatombe. Tout un naissain d'araignées nées trop tôt. Tout est mort. Paix à leur âme d'araignée. J'aime bien les araignées.
Les petits points jaunes, ce sont de minuscules araignées, passées de vie à trépas.
Et puis mon azalée rouge, qui avait imprudemment commencé à fleurir avant les frimas, elle s'est racornie comme une vieille semelle.
Seul moyen de la sauver: tailler dur. La pitié est mortelle.
Avant
Après
Le froid commençait à descendre, j'ai entrepris de tailler mes rosiers et de dresser un peu les grimpants devenus trop indépendants. C'est qui le chef ici, hein?
C'est ainsi qu'on se réchauffe chez moi. Equilibre branlant sur un escabeau, la main gauche qui tâche d'attraper la branche de rosiers coupable, de la maintenir fermement, tandis que la droite la ligote comme il faut, à sa place. Ça va lentement. Grosse concentration sur l'équilibre, les épines, les traîtrises de la branche qui ne demande qu'à repartir brutalement dans sa position première. Le chat qui veut escalader l'escabeau aussi..
Pas simple d'être le boss du jardin.
Plutôt contente de moi, assez moulue, j'entreprends de ranger tout avant le gros morceau de la prochaine fois: la taille des arbustes du fond du jardin. Là, c'est un boulot d'homme. J'ai intérêt à faire des pompes, quand les courbatures annoncées auront lâché prise.
Et clac!
Le tuyau d'arrosage, branché au robinet du dessous de l'escalier, a fait un bond. Il s'est purement et simplement détaché. Là-dessous, évidemment, ça fuit. Sinon, c'est pas drôle. Alors j'ai rafistolé très mal, en attendant qu'un(e) spécialiste vienne m'expliquer comment on rebranche tout ce bazar.
J'ai compris le message.
Le jardin a bien aimé le compost,
le coiffage,
le gratouillage...
Il en redemande.
Le coup du tuyau, c'est pour être sûr que je vais revenir.