Les classes de CM2 étaient invitées par fournées au centre culturel et là, l'adjointe chargée des écoles remettait aux enfants un livre qu'ils avaient préalablement choisi dans une liste. Une bonne partie du personnel dudit centre était également mobilisée pour piloter tout ce monde et animer.
Rien à voir avec les cérémonies d'antan, où les enfants habillés en dimanche assistaient à une cérémonie en grande pompe, accompagnés de leur famille. Le triomphe des plus méritants éclatait devant les notables réunis et les journaux rendaient compte de l'événement.
Ça, c'était au temps de l'école à l'ancienne, celle des tableaux d'honneur, de l'examen d'entrée en sixième, des classements et du triomphe de l'orthographe.
C'était aussi l'époque bénie où l'école française faisait des étincelles.
Cette remise des prix-là n'avait qu'un lointain rapport avec celle d'autrefois. Les parents n'étaient pas invités, tout le monde recevait un prix, cancre ou bon élève. C'était une affaire plus égalitariste. Admettons. Les temps ont changé. Les gosses étaient tout de même émus et contents.
De plus, on leur a donné un bouquin à lire, c'est toujours ça de pris sur l'empire des jeux vidéos.
Voilà longtemps que je n'avais pas eu l'honneur de les accompagner et je dois dire que ce qui nous a été servi, en fait de cérémonie de remise des prix, m'a laissée sans voix.
Même la garderie la plus cracra d'un club de vacances au rabais n'aurait pas osé.
Ce qui s'est passé hier matin témoigne, à mon sens, de la médiocrité abyssale dans laquelle est tombée l'école. Sinon, personne n'oserait envisager qualifier de "remise des prix" une bouffonnerie aussi consternante que celle où nous sommes allés nous fourvoyer hier.
De retour chez moi, j'étais complètement sur les nerfs. Car mes élèves, rendus fous furieux par leur cérémonie de remise des prix, n'avaient pas réussi à se calmer de toute la journée.
J'ai donc décidé d'écrire ma façon de penser à l'adjointe responsable des réjouissances et de faire savoir au monde ce qu'est, aujourd'hui, une remise des prix.
"Madame,
La
séance de remise des prix à laquelle j’ai assisté ce matin me semble mériter un
compte-rendu. En effet, si le principe d’un tel événement est bienvenu, la
façon dont il s’est déroulé m’est apparue totalement inappropriée.
Voici
pourquoi.
La
remise des prix en elle-même s’est déroulée de la meilleure façon
possible : les enfants ont été reçus dans une ambiance intimiste, avec un
discours bienveillant et sobre. Ils étaient à la fois contents et impressionnés ;
pour certains, soudain conscients de franchir une étape importante de leur vie.
Malheureusement,
tout le bénéfice de ce moment, sommes toutes assez court, a été gâché par ce
qui a suivi.
Je
ne vois pas quel était le bénéfice de les faire à nouveau attendre pour leur
passer un court-métrage décalé par rapport à leur âge et, à mon avis, sans le
moindre intérêt cinématographique. Admettons que cet avis soit subjectif et que
mon manque d’expérience en la matière m’ait trahie.
Le
pire était cependant à venir.
Nous
avions du travail et j’espérais être libérée de ce qui commençait à ressembler
à un piège. C’est alors qu’une personne
dont la fonction tenait du clown, du chauffeur de salle et de
l’animateur de centre de loisir est venue occuper la salle, proposant aux
enfants des jeux étranges. Elle a commencé par les exciter en jouant à les
fixer en riboulant, à leur crier dans le dos pour leur faire peur et, quand la
salle toute entière a été bien agitée, elle leur a hurlé dans le brouhaha les
règles d’un jeu totalement hors de propos: se passer une peluche en musique. A
l’arrêt de la musique, celui qui tenait la peluche à la main devait venir faire
face à l’assemblée au comble de l’énervement. Les heureux élus, plus gênés
qu’autre chose, avaient ensuite pour mission de venir à leur tour se planter
devant leurs camarades pour tenter de les faire rire.
Comme
cela ne suffisait pas, un deuxième jeu a été proposé : un groupe d’enfants
est venu se placer sur la scène, obéissant aux consignes de l’animatrice-clown.
Devant leurs camarades, ils sautillaient rapidement de
part et d’autre d’une corde, risquant une élimination en cas de mauvaise
réaction.
Ce
genre d’activité, très sympathique en plein air, l’est moins pour une foule
d’enfants confinés, assis sur des sièges, associés à une remise des prix qu’on
imagine un peu solennelle. Leur état de surexcitation était tel, qu’une autre
personne est intervenue pour demander le silence … impossible à rétablir.
J’ai
essayé de lui expliquer ce que je pensais de cette animation et cette dame m’a
répondu qu’il « fallait bien les occuper ». Les occuper à quoi ?
Puisque après ce spectacle déprimant, à 10h30 (nous étions convoqués pour
8h30), on nous a invités à rentrer dans notre école.
D’ailleurs,
quand bien même une attente aurait été nécessaire, les livres qu’on venait de
leur offrir suffisait largement à les occuper puisque les enfants n’avaient
qu’une envie : les lire.
Ma
collègue et moi-même, parties avec une classe d’élèves raisonnablement sereins,
sommes revenues après plus d’une heure de temps perdu, escortées de petits
fauves impossibles à calmer. Envolée la curiosité pour le beau cadeau !
Disparue cette belle sensation un peu douce-amère de changer de monde et de
grandir ! Ils étaient comme fous et la fête a été définitivement gâchée.
De
plus, nous avons perdu une journée de précieux travail, car cette fébrilité
pénible les a poursuivis toute la journée.
Ne
m’en veuillez pas d’être un peu directe. J’ai conscience des efforts consentis
par la mairie pour accompagner les élèves dans ce passage. Cependant, je pense
très sincèrement qu’organiser les choses de cette façon gâche tout.
Il
faudrait réfléchir à d’autres pistes.
Pourquoi
ne pas expliquer, après la remise des livres, comment se passe la rentrée au
collège ? Pourquoi ne pas faire visionner un film qui montre comment se
passe la journée d’un collégien ? Ou encore filmer les locaux et l’équipe du collège du secteur, que les
enfants ne découvriront qu’à la rentrée ?
Ainsi,
cette remise des prix prendrait du sens et contribuerait à les rassurer.
Je
vous remercie de l’attention que vous aurez accordée à mon courrier et je vous
prie d’agréer, Madame, l’expression de mes sentiments très respectueux."
As-tu eu un "Prix"?
RépondreSupprimerBzzz...?
Oui!!! Un livre qui se propose de répondre aux questions des enfants issus de l'immigration.
SupprimerBzz bzz
Ah bon, parce que les gosses de l'immigration posent des questions différentes des autres gosses ?
SupprimerIl faut croire que oui!
SupprimerJe l'ai laissé en classe, mais je vais tâcher de penser à le rapporter pour rendre compte de ce qu'il y a dedans.
Vous avez raison de protester contre cette mascarade pseudo-ludique et égalitariste qui reste un mirroir aux alouettes et n,aide pas les enfants à grandir ni à mûrir.
RépondreSupprimerMais pour être efficace, il faudrait faire la même chose que Jean Piat dans "Profs".
Nous allons voir si on va daigner seulement me répondre. Je crains qu'ils soient un peu embêtés.
SupprimerQue fait Jean Piat, dans "Profs"?
Encore un que je n'ai pas vu.
C'était un court-métrage sur le vivre ensemble dans le mariage pour tous ?
RépondreSupprimerNon, nous n'y sommes pas encore.
SupprimerC'était probablement l'oeuvre d'un copain du maire, parce que c'était laid et raté. L'histoire absolument sans intérêt d'un pauvre garçon, tête de turc de tous à l'école (y compris de la maîtresse qui est une vraie teigne), qui croit sauver l'objet de ses soupirs d'un enlèvement. En fait, tout est bien qui finit bien: le méchant se révèle être le père de la demoiselle qui, émue de l'héroïsme de la tête de Turc, lui rend sa gomme avec un sourire niais.
Les personnages, en pâte à modeler animée, sont d'une laideur atroce.
j'espère que tu auras une réponse, encore une copine qui était payée pour faire un boulot pour lequel elle n'était pas compétente ! la pédagogie ne se trouve pas dans une carte d'un parti politique ! bisous
RépondreSupprimerJe crains que l'incompétence ne soit pas limitée à la copine. J'ai appris entre temps que la même mascarade avait été infligée aux classes l'an dernier. Ils ont donc réitéré!
SupprimerLa ville est étranglée de dettes, mais on paye des gens pour ça.
Va comprendre...
Bisous!
-SCOOP- j'ai eu un prix,de quoi? m'en souviens plus, mais l'achat du ruban tricolore(pour enceindre le livre)à la mercerie par ma mère me revient.
RépondreSupprimerFayot!
Aaah, le ruban... Ça devait encore faire monter d'un cran la sacralité du moment!
SupprimerAlors, voyons, voyons...j'hésite entre un prix de camaraderie, d'orthographe ou de calcul.
Quoi fayot????:)))
Incroyable... Ils sont tombés sur la tête ? Tu as bien fait d'écrire une lettre.
RépondreSupprimerVoilà ce qui attend les mouflets condamnés au "périscolaire de qualité" par Vincent Peillon. Ce monsieur voit l'école et les équipes municipales comme une armée du Bien en marche, où les enfants vont s'épanouir bien mieux que dans leur famille d'alcooliques.
SupprimerAttendons-voir ce qu'on va me répondre.
Ma dernière remise des prix en CM2 eut lieu au Palais des Festivals à Cannes, toutes les écoles de la ville étaient représentés...toutes les familles des lauréats (les trois premiers de chaque classe) assistaient à la cérémonie, le député maire officiant en personne...Au moins là, on ne peut pas dire que la mairie ait lésiné sur les moyens. L'idée ne manquait pas de panache.
SupprimerEt puis avec ce qui a suivi, personne n'oubliera jamais cette cérémonie-là. Une chance que tout le monde n'ait pas fini grillé.
Qu'est-ce qui s'est passé?
Résultat, maintenant, tu t'assieds en bout de rang, je parie.
Quelle histoire!
J' ai vécu la même chose le jour où Miss France est venue au lycée parler d' une école d' esthétisme aux troisièmes,tout le monde surchauffé, leurs profs ne leur font pas le même effet....
RépondreSupprimerAh oui, je vois. Olala!
SupprimerÇa a dû être intéressant aussi.
Et qui a donc eu cette bonne idée, d'inviter Miss France causer esthétique au lycée?
Ma dernière remise des prix en CM2 eut lieu au Palais des Festivals à Cannes, toutes les écoles de la ville étaient représentés...toutes les familles des lauréats (les trois premiers de chaque classe) assistaient à la cérémonie, le député maire officiant en personne...
RépondreSupprimerEt puis on a eu aussi droit à la projection d'un film "Till l'espiègle"... mais un incendie a éclaté et le rideau de projection s'est embrasé... Ce fut la panique, tout le monde se ruant vers les sorties, des gosses et des personnes âgées ont été renversés et foulés au pieds...
Depuis j'ai des bouffées d'angoisse dans certaines salles de spectacle, celles qui n'ont pas une numérotation, qui ont un public trop réactif..
Au moins là, on ne peut pas dire que la mairie ait lésiné sur les moyens. L'idée ne manquait pas de panache.
SupprimerEt puis avec ce qui a suivi, personne n'oubliera jamais cette cérémonie-là. Une chance que tout le monde n'ait pas fini grillé.
Qu'est-ce qui s'est passé?
Résultat, maintenant, tu t'assieds en bout de rang, je parie.
Quelle histoire!
Dommage que la simplicité ne suffise plus et que les rituels soient has been. Comme nos élus locaux méconnaissent les enfants (j'en côtoie tous les jours, des élus, en tant que fonctionnaire moi même haha), c'est pitoyable! Tu as bien fait d'écrire.
RépondreSupprimerTu côtoies des élus tous les jours? Ça doit être riche d'enseignements.
SupprimerLe peu de fois où j'ai eu affaire à eux, c'était quelque-chose!
Alors d'après toi mp, répondra, répondra pas?
Les paris sont ouverts!
Il y en a des bons et des mauvais (voire carrément incompétents), comme dans la vie (car seul leur engagement compte), sauf qu'il gère une ville!...
SupprimerLa politique locale est assez intéressante et l'on peut plus facilement faire bouger les choses, mais certains se prennent pour des cadors. C'est drôle-triste et énervant en même temps.
Si c'est l'élue chargée des affaires culturelles de la mairie, et sachant que les élections sont dans un an. Elle répond.
Si c'est la directrice adjoint du centre culturel, beaucoup moins sûr.
Bonne journée à toi!
C'est l'élue, mp. Logiquement oui, elle devrait répondre. Nous verrons.
SupprimerTiens-tu un blog, où tu raconterais tes expériences et tes observations? J'aimerais bien en savoir plus.
Merci de ton intérêt mais non, je trouve que d'autres le font très bien.
RépondreSupprimerMais on ne sait jamais ;-)
Ceci dit, je m'en vais de la FPT d'ici quelques mois pour, je l'espère, ne pas avoir à y remettre les pieds. Mon expérience du fonctionnariat s'arrêtera là (presque 7 ans quand même...), j'ai l'impression d'avoir perdu mon sens du service public.
Peut-être qu'avec un peu de recul...(beaucoup :-)