Depuis que la Syrie subit toutes sortes d'horreurs et de destructions, plus personne n'évoque ses douceurs.
Les monuments millénaires,
Palmyre, joyau détruit par les rustauds islamistes qui n'aiment pas ce qui est ancien et beau. |
la cuisine succulente,
Merveille non encore interdite par ces gros salopards d'extrémistes islamistes, qui aiment bouffer du bon. |
et le savon.
Savonnerie pas encore pulvérisée par les gros dégueulasses de Daesh, qui n'aiment pas le savon. |
Alors le savon justement, je m'y suis intéressée de près il y a peu, parce que depuis mars, un eczéma tenace a envahi une partie de ma personne. C'est nouveau et assez déroutant. Ma peau est devenue curieusement grenue là où il sévit et ça gratte! Même la nuit. Tout le temps. J'ai beau me dire qu'il ne faut pas, que ma peau est déjà écorchée, rien n'y fait: je me gratte.
Je me suis mise à traquer tout ce qui est susceptible d'apaiser la colère du seigneur eczéma. Il s'agit surtout d'éviter le contact avec des produits qui l'excitent: quasiment tous les détergents sont à fuir, les adoucissants, à honnir et si je dois m'épiler les jambes (en été, ça se fait), il me reste la pince idoine. Quant au savon, j'ai intérêt à bien le choisir, sous peine de me réveiller couverte de croûtes sanguinolentes. C'est ignoble.
L'adversité affine la mémoire. De ses tréfonds, un lointain souvenir a émergé: la réputation du savon d'Alep.
J'ai fouiné aussi sec sur internet pour lui donner de la substance et de fait, ce savon-là fait l'unanimité auprès des scrofuleux de tous poils, de allergiques et des mères de nourrissons à la peau tendre. Bonne pioche. Encore fallait-il mettre la main sur du véritable savon d'Alep et pas sur un de ces ersatz hors de prix, susceptibles de gratouiller ce qui me reste de peau saine. A ce stade de mes recherches, j'ai failli baisser les bras. Alep à feu et à sang, j'imaginais mal que des savonneries continuassent à fonctionner dans un pareil maëlstrom.
Et bien si!
Quelques savonneries héroïques continuent à fonctionner, avec toutes les difficultés qu'on imagine, dans le nord de la ville. Il existe même des têtes brûlées qui acheminent ce précieux savon vers les frontières voisines pour qu'il soit commercialisé.
Tous les savonniers ne sont pas restés, loin s'en faut. Beaucoup ont fui et l'un d'entre eux, Monsieur Harastani a atterri en France, à Santeny, où il a recommencé à fabriquer ses savons. Ce sont les mêmes. Avec Monsieur Constantini, ils ont crée la marque Alepia, dont j'ai lu le plus grand bien sur internet. Il existe des forums de fous furieux du savon d'Alep, de ces gens qui comparent les crus de savons comme des vins; et bien même ceux-là chantent les louanges d'Alepia.
Tard dans la nuit, résistant à la gratouille, j'ai pris le risque et acheté deux savons de première qualité à 40% d'huile de baies de laurier*. L'un en direct d'Alep, un de France (pour comparer) et de la lessive à base de savon d'Alep pulvérisé.
Il faut savoir vivre dangereusement.
Ils sentent tous les deux très bon. Ils sont également agréables sur la peau et je me suis même lavé les cheveux avec: ils conviennent aussi bien qu'un shampooing. Pour le moment, je ne vois pas la différence entre eux. J'ai juste un respect craintif pour le syrien, parce qu'il vient d'un coin en guerre et que ça fait drôle.
La lessive est extra. Il faut diluer du savon dans l'eau avant de le mettre dans le réservoir de la machine. L'adoucissant désormais, ce sera du vinaigre blanc. J'ai récupéré un linge impec et doux, qui ne puait même pas le vinaigre.
Reste à voir maintenant si mon eczéma cédera à cette nouvelle arme.
Je vous donnerai des nouvelles.
* Onze euros le savon d'environ 200 grammes.Ceux-là sont les plus chers. Il y en a beaucoup d'autres moins riches en huile de baie de laurier et des promotions.