Je ne suis pas peu fière, parce qu'en plus d'être serbe, mon époux est beau, tendre, joyeux et attentionné.
En prime, je me suis trouvée initiée à la Slava familiale. La Slava, c'est la fête du Saint patron de la famille, Saint Nikola en l'occurrence.
Sveti Nikola lui-même |
Pas n'importe quelles victuailles.
Pour ne pas déshonorer la famille, il faut faire des sarma en abondance.
Le béotien esquisse déjà un sourire: comment ça: "Il faut"? Eh bien oui, pas question de se rabattre sur une quelconque ersatz tout préparé de chez Picard ou autre mercenaire du tout fait. L'honneur chez les Serbes, ce n'est pas une plaisanterie et Dieu sait comment pourrait finir une Slava, et donc des sarma, bâclées.
Les sarma, ce sont des délicieux petits pâtés de viande enrobés d'une feuilles de chou fermenté.
Chaque famille a sa recette et veille jalousement à sa transmission. Chez les Serbes, on ne rigole pas avec la tradition.
Je suis moi-même d'origine normando-champenoise et ma culture de la sarma est pauvre.
J'ai donc consulté ma belle-soeur qui, maillon féminin du clan serbe, s'y connaît mieux.
Après une explication détaillée au téléphone, constellée de mots serbes désignant de charcutailles mystérieuses, je me suis crue armée. Pas d'agneau, pas d'ail, un peu d'oignon et des oeufs. Dobro (bien).
Erreur!
Ma belle-mère, également avertie de mes intentions, a précisé la chose: beaucoup d'oignon. Et puis elle a appelé la Serbie pour des renseignements à la source. Là-dessus, ma belle-soeur me rappelle. En fait, c'est beaucoup d'oignons, de l'ail et de l'agneau éventuellement.
Tout le monde était suspendu à mes sarma pas encore commencées et j'avais une pression terrible.
C'est là que mon tendre époux s'y est mis.
Il a eu peur de mon inexpérience et surtout, peur de manquer de sarma (l'horreur absolue). Alors il m'a accompagnée jusqu'aux Pavillons sous Bois, chez" Kod dva blizanca" pour acheter tout le nécessaire. Là, on s'est disputés parce qu'il n'y avait pas assez de" kiseli kupus"(le choux fermenté) et ma commande de viande lui semblait hésitante. Effectivement, je tâtonnais un peu, j'avoue.
Une fois revenus avec le chargement, il a fallu trancher, faire la part des choses entre la belle-soeur, la belle-mère et les copines serbes, me réconcilier avec mon cher mari et me jeter à l'eau.
Plus exactement, me jeter dans la viande. J'en ai acheté trois kilos chez le boucher: un tiers de veau (tendron), un tiers de boeuf (gîte) et un tiers de porc (échine), que je lui ai demandé de hacher. Cette viande, j'ai dû la préparer tout de suite. Nous étions samedi et la Slava, le dimanche en huit. Pas question de servir des sarmas avariées. Alors, j'ai fait frichtouiller deux gros oignons hachés, deux belles gousses d'ail dans un peu d'huile. Quand le mélange a commencé à brunir, j'ai ajouté les viandes, agrémentées d'environ 200 grammes de poitrine fumée-salée serbe hachée aussi, c'est à dire bien grasse. Tout ça touillé et bruni sur un feu vif. En fin de cuisson, j'ai ajouté un bouquet de persil plat frais haché et une petite moitié d'un paquet de 1 kg de riz rond. J'ai saupoudré largement de paprika, de poivre noir (mais pas de sel) et j'ai laissé refroidir. Ensuite, j'ai tout fourré au frigo.
Quatre jours plus tard, mercredi, j'ai attaqué la confection des sarmas pour de bon. J'ai commencé par déplier les feuilles une par une et les faire tremper une bonne heure dans l'eau froide.
Je m'excuse pour la qualité de la photo: il faisait sombre dans la cuisine. |
Ensuite:
J'ai enfermé les chats.
Mis mon tablier.
Lavé mes mains.
Respiré un bon coup.
Et j'ai attaqué.
La suite dans le prochain épisode.