mardi 28 août 2012

A temps raccourci



Hier, je suis allée prendre la température des siècles au château de Fontainebleau.
Ça m'arrive régulièrement, comme une urgence. Il faut que je quitte le XXI ème siècle pour oublier les universités d'été, les bagnoles et les fils électriques.
J'avais réussi à me lever tôt et toutes antennes déployées, j'ai roulé sur une route vide, droit vers la Renaissance.


Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais les visites de lieux anciens me plongent dans un état particulier. Comme un étourdissement devant le temps qui se biscornifie et s'accordéonise, car les pièces vides parlent. Quand elles sont gentilles, elles me disent que je détiens une petite parcelle de cette histoire passée et elles me racontent des histoires. Quand elles sont malfaisantes, elles m'écrasent de tout leur poids de trois, cinq, huit cents ans et je me sens presque aussi petite que lorsque je contemple la Voie Lactée.
J'aime qu'elles me parlent et me persécutent, car toujours, les ombres colorées du temps passé surgissent et les émotions m'envahissent.

















Parfois pourtant, elles se taisent.

Les belles dames en robe de brocart se cachent furtivement derrière les boiseries. Les messieurs aux manches à crevées sautent par les fenêtres et plus personne ne raconte rien.

Hier, j'ai eu le privilège de les entendre murmurer longtemps, parce que je suis arrivée tôt.

Jusqu'au moment fatal où les hordes barbares ont déferlé.
Dans les châteaux comme ailleurs, on laisse entrer des gens dépenaillés qui n'ont qu'une idée en tête: engranger toutes les photos possibles en un temps record. Puis filer comme des furets.
Ces gueux ont une prédilection pour les déplacements en groupe serrés et bruyants, guidés par un énergumène qui trouve malin d'agiter une sorte d'oriflamme réel ou symbolique (j'ai vu un parapluie).
Comment voulez-vous que les murs continuent à raconter des histoires, devant un pareil déballage?

Quant les sauvages m'ont rattrapée, j'étais en tête-à-tête avec la Régente Marie-Thérèse, dans sa chambre. Ils parlaient un vietnamien glougloutant et marchaient sur les pieds des gens en regardant droit devant eux. Marie-Thérèse s'est cachée dans son buffet et moi, j'ai filé devant.


Alors, un monsieur barbichu à moustaches est sorti de la cheminée pour me raconter sa Navarre natale dans un français roucoulant. 


D'autres ont surgi, des domestiques ont déployé des bancs tapissés. On s'apprêtait à nous servir des rafraîchissements, lorsqu'une autre vague a déboulé. Elle parlait russe, cette fois. Au moins celle-là semblait-elle sensible à la splendeur des lieux et j'ai même cru que l'assemblée allait rester dans la place.
J'ai tenté de la retenir en regardant le plafond....


... mais en retombant sur terre, je n'ai trouvé que les dames russes, vêtues en XXIème siècle poutinien. Pas en Ivan le Terrible.
D'autres les suivaient, et avec eux, l'assurance que le château allait se murer dans le silence.
J'ai quitté les lieux devenus taiseux pour le parc, désert.
Il faisait déjà chaud.

Des créatures intemporelles glissaient sur les lacs.


Et de loin, le château débarrassé de ses nuisances piétinantes, a recommencé à chuchoter ses histoires.



57 commentaires:

  1. On peut aussi (re)lire l'opuscule D'Andrei Makine, un métèque qui parle et écrit le français comme peu le savent, "Cette France qu'on oublie d'aimer", dans lequel la première image de la France qui lui vient sous la plume est une petite église romane fraiche et illuminée de quelques cièrges.

    Un magnifique livre de photos "Chapelles de nos campagnes" de Christophe Lefebure.

    En effet, ces lieux qui ont si bien incarné notre âme, nos espérances, notre conception de l'homme et du monde ont une grandeur qui défie les siècles et surtout les régimes. L'actuel ayant bien du mal à égaler ce qui fut en ces temps là.

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    1. On dit pas métèque, ça va faire des embrouilles à n'en plus finir !

      On pourrait aussi parler de Saint-Denis ou champ du Lendit, lieu de sépulture de nos rois mais aussi culte des armes sacrés gauloises (qui ont donné la "fameuse" fleur de Lys)et du Dieu Cernunos, celui qui par son sacrifice fait renaître le printemps.

      Aujourd'hui, on nous propose une société multi culturelle mondialisante.

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    2. Il est des métèques qui forcent l'admiration, merci de leur rendre hommage. Je ne connaissais pas Andrei Makine.
      L'actuel est en pleine errance, mais ces lieux ne sont pas morts.
      Ce livre, "Chapelles de nos campagnes", je l'ai feuilleté et il est très beau. Il rend parfaitement l'ambiance qui s'en dégage.

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    3. D'accord, tu as raison lecanasson. A la place, on va dire "étranger". Ça, c'est insupportable.
      La société dont tu parles déteste les mots simples.

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    4. L'ensemble des bouquins de Makine est bon.

      En particulier aussi:

      "Requiem pour l'Est"
      "La terre et le ciel de Jacques Dormes".

      Sans partager toute sa Weltanschauung, non seulement il écrit très bien mais touche du doigt bien des choses justes.

      Et, bien évidemment, un autre métèque comme Vladimir Volkoff ou un pure laine comme Jean Raspail restent des valeurs indéboulonables.

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    5. Ah on n'a dit qu'on disait plus météque !

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    6. Ça sonne pourtant bien :)

      Tchetnik, quelle est donc la Weltanschauung de Makine?

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    7. Disons que le gars est né en Sibérie à l'époque Soviétique, est d'ascendance Française, et considère que la richesse spirituelle d'une personne réside avant tout dans sa culture artistique, littéraire et esthétique. Il ne l'exprime pas aussi nettement mais c'est ce qui ressort de ses livres et discours. Il est effectivement aussi cultivé que la société Soviétique ne le permettait, cad une culture immense, mais qui, tout en valorisant bien des choses justes, manque quand même de transcendance. Il vénère l'effet, mais pas la cause, en quelque sorte.

      Il écrit cependant très bien et raconte des histoires pleines de sens car il a compris bien des enjeux historiques et analyse avec lucidité le monde dans lequel il vit, en particulier cette France qu'il aime tant quand elle lui évoque Proust ou Alexandre Dumas mais qu'il déteste tant quand elle lui évoque la racaille de banlieue et les cocoteries intellectuelles complices.

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    8. Merci pour ces explications Tchetnik.
      C'est une Weltanschauung qui donne envie d'aller y voir de plus près.

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  2. Brocart, mais ce n'est qu'un détail.

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  3. joli commentaire de visite ! c'est vrai qu'on a pas trop le choix, soit on y va l'hiver et les barbares sont moins présents mais dans ce cas, le parc ne parle pas trop, soit on y va l'été et on se paye les hordes visiteuses et le parc est un refuge....moi j'aime les châteux l'hiver, ils te " causent" bien.... si tu vas à Chantilly, même l'hiver le parc est accueillant avec la crême chantilly fraîche sur du pain d'épice chaud dans le petit café au centre du parc.....

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    1. Merci Boutfil :)
      Alors à toi aussi, ils racontent des histoires?
      L'hiver, c'est plus ténébreux, mais ils ont aussi leur charme.
      Aaaah la chantilly de Chantilly sur les gauffres! Ils font aussi du pain d'épices? Tiens? J'irai voir.

      Bisous

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    2. Promenez vous le long des pièces d'eau près du Trianon lorsque le jour s'estompe. Vous pourrez peut-être entrevoir Marie-Antoinette et la Princesse de Polignac flâner en se confiant leurs états d'âme, leurs espoirs. Jean Lorrain l'avait expérimenté au début du XXème siècle. Pour peu que l'on soit amoureux de cette époque, ça fonctionne.

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    3. J'ai toujours quitté Versailles avant que le jour s'estompe, car j'habite assez loin.
      Mais vous avez raison.
      Ce sont les brumes de matin ou les ombres du jour déclinant qui réveillent les imaginations et offrent les visions secrètes.
      A l'automne, la nuit tombera plus tôt et j'essayerai d'arrêter de courir pour faire cette expérience.

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  4. pas un chat sur la route et un temps magnifique cela aurait pu être pire,il faut voir le bon coté.
    Bzzz...

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    1. Je vois toujours le bon côté de la face nord.
      Bzbzzzzzzzz
      PS: guêpes curieuses, frelons timides, abeilles gourmandes et bourdons vrombissants. Il y a de tout dans le parc.

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  5. Je vais dire une horreur, tant pis, je la lâche !

    Je ne suis absolument pas pour le retour de la monarchie. Mais en visitant Versailles, à chaque fois, je ressens le souffle magique de la croyance en la royauté de droit divin.

    Déjà, Le Grand Trianon n'est plus qu'une pathétique mascarade de ce qu'a pu représenter cette ferveur.

    Quant à maintenant...on ne se relèvera pas la nuit !

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    1. Tu trouves?
      Le Grand et le Petit Trianon ont leur charme.
      Bien sûr, on est très loin de l'austérité militaire des châteaux médiévaux. Ou de la légèreté étudiée des châteaux de la Loire. Mais les temps avaient changé et là, on sent comme une odeur de trop grande paix qui annonce la catastrophe. C'est assez émouvant.

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    2. Il faudrait inventer des flacons de parfum temporels, qu'on humerait au fil de nos rêveries.

      - Fumet mérovingien
      - Délié carolingien
      - Ecorce capétien
      - Poudre phrygienne
      ...

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  6. Rien de tel qu'une monarchie constitutionnelle.:):):)

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    1. Non, notre royauté a failli à sa charge et a été félon à son devoir.

      Elle a ont provoqué elle-même sa chute en méprisant les symboles qu'elle devait nourrir.

      Tant pis pour eux.

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    2. Lecanasson, il faudra qu'on en discute. C'est la meilleure solution. A tous points de vue.

      Nadezda, je ne suis pas d'accord avec vous. La monarchie constitutionnelle n'est qu'une république déguisée. Si retour à la monarchie il doit y avoir, il faut qu'il se fasse sous les auspices de l'alliance entre le trône et l'autel. Et bien sûr qu'elle soit absolue.

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    3. Lecanasson, par pitié ne ressortez pas la vulgate républicaine qui a par trop tendance à s'accorder des mérites qui ne lui reviennent pas. Louis XVI a été un roi soucieux de son peuple, trop certainement, ce qui l'a poussé à faire preuve de clémence et d'indulgence là où il aurait fallu envoyer les Suisses et les Gardes Françaises pour rappeler à chacun ses devoirs.

      1774
      - Louis XVI décida de soulager son peuple, en le dispensant du "droit de joyeux avènement", impôt perçu à chaque changement de règne.

      1776
      - Louis XVI créa le corps des pompiers.
      - Louis XVI permit aux femmes d'accéder à toutes les maîtrises.

      1777
      - Louis XVI autorisa l'installation de pompes à feu, pour approvisionner Paris en eau de manière régulière.
      - Louis XVI créa un mont-de-piété à Paris pour décourager l'usure et venir en aide aux petites gens.

      1778
      - Louis XVI abandonna aux équipages de ses vaisseaux le tiers de la valeur des prises, qui lui était réservé en temps de guerre.
      - Louis XVI décida d'aider l'abbé de l'Epée dans son oeuvre pour l'éducation des « Sourds-muets sans fortune » auxquels il enseignait un langage par signes de son invention. Le roi lui versa alors une pension de 6000 livres sur sa propre cassette, contre l'avis de l'archevêché qui soupçonnait cet homme de jansénisme.
      - Louis XVI dota l'école de Valentin Hauÿ pour les aveugles.

      1779
      - Louis XVI donna l'ordre à ses commandants de vaisseaux de ne point inquiéter les pêcheurs anglais et obtint ainsi du gouvernement anglais la réciprocité pour les pêcheurs français.
      - Louis XVI donna aux femmes mariées et aux mineurs de toucher eux-mêmes leurs pensions sans demander l'autorisation de leur mari ou tuteur.

      1780
      - Louis XVI ordonna aux hôpitaux militaires de traiter les blessés ennemis « comme les propres sujets du Roi », 90 ans avant la première Convention de Genève.
      - Louis XVI fit abolir le servage et la mainmorte dans le domaine royal, et le droit de suite qui permettait aux seigneurs de faire poursuivre les serfs ou mainmortables qui quittaient leur domaine.
      - Louis XVI ordonna l'abolition de la question préparatoire et préalable (torture).
      - Louis XVI fit construire à ses frais des infirmeries « claires et aérées » dans les prisons.
      - Louis XVI supprima de très nombreuses charges de la maison du Roi (plus d'un tiers).

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    4. SUITE :

      1781
      - Louis XVI finança tous les aménagements de l'Hôtel-Dieu pour que chaque malade ait son propre lit individuel.
      - Louis XVI fonda un hôpital pour les enfants atteints de maladies contagieuses, aujourd'hui nommé Hôpital des Enfants-Malades.

      1782
      - Louis XVI créa le musée des Sciences et Techniques qui deviendra le CNAM

      1783
      - Louis XVI fonda l'école des Mines.
      - Louis XVI finança sur ses propres fonds les expériences d'aérostation des frères Montgolfier.
      - Louis XVI également les expériences de Jouffroy d'Abbans pour l'adaptation de la machine à vapeur à la navigation.

      1784
      - Louis XVI exempta les juifs du péage corporel et autres droits humiliants, fit construire les synagogues de Nancy et de Lunéville et permit aux juifs l'accès à toutes les maîtrises dans tout le ressort du Parlement de Nancy.
      - Louis XVI accorda sept millions aux victimes du froid excessif en 1784.
      - Louis XVI accorda des pensions de retraite à tous ceux qui exerçaient une profession maritime.

      1785
      - Louis XVI demanda l'établissement annuel de la balance du commerce.

      1786
      - Louis XVI créa le droit de propriété des auteurs et compositeurs de musique.

      1787
      - Louis XVI accorda l'état-civil aux protestants.

      1788
      - Louis XVI s'inquiéta du sort qui était réservé aux prisonniers détenus en préventive de par leur inculpation, avant leur procès. Par ailleurs, il décida de leur accorder une indemnité ainsi qu'un droit d'annonce dans le cas où leur innocence serait reconnue lors de leur procès.

      1789
      - Louis XVI accorda le premier le droit de vote aux femmes dans le cadre de l'élection des députés de l'assemblée des Etats-Généraux.
      - Louis XVI créa l'Ecole de Musique et de Danse de l'Opéra de Paris et le musée du Louvre.

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    5. Nadezda, je pense en effet que le Royaume Uni ou la Belgique sont aussi bien gouvernés que la France.
      Je n'arrive pourtant pas à comprendre le rôle que joue le roi ou la reine. A part un rôle de symbole, bien sûr.
      Pourrais-tu m'expliquer?

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    6. Koltchak, je ne parlais pas spécialement de Louis XVI. Il fut, hélas le seul, à comprendre sa charge de roi sans y être prédestiné et se remua certainement plus que les autres mais trop tard.

      Malheureusement, mal entouré par une cour de parasites et affublé d'une dinde, dont le cerveau était inversement proportionnel au fric qu'elle balançait par les fenêtres de Versailles, il fut incompris par tous.

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    7. Ce qui mit les finances franà plat en cette époque, ce furent les 1300 000 000 de LT dépensées pour soutenir les Yankee doodle dandys.

      On est très loin des frasques de M-A, lesquelles sont à mettre bien plus sur le compte de ses "amies" comme la duchesse de Polignac que sur elle-même. Si elle avait un gros défaut (et c'est ce que sa mère l'Archiduchesse d'Autriche lui repprochait), c'était d'accorder trop facilement et trop légèrement sa confiance à n'importe qui.

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    8. Cour de parasites est en revanche hélas très juste.

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    9. Je vous conseille chaudement "Ridicule", où la cour sous Louis XVI et assez bien décrite.
      Quelqu'un l'a-t-il vu?

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    10. Oui, j'en ai gardé un souvenir assez mitigé.

      Premièrement parce que Louis XVI est présenté de manière caricaturale et pour tout dire grotesque. Sur la cour en elle-même pas grand-chose à en dire, à ceci près que le portrait qui en est fait ne montre pas, à part avec le personnage principal, le décalage qui existait entre la noblesse de cour et celle de province. Le spectateur lambda qui n'est pas versé dans la lecture d'ouvrages historiques sérieux verra dans ce film la confirmation de ce qu'il a appris dans les manuels d'histoire de l'EdNat.

      Ceci dit, à part quelques petites erreurs inévitables, la reconstitution est bonne. Costumes, bijoux, accessoires, mobilier, etc. sont dans leur époque, ce qui est plutôt rare dans les productions françaises.

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    11. Lire aussi les biographies de Louis XVI de Jean-François Chiappe et de Jean-Christian Petitfils et le "Chère Marie Antoinette" de Jean Chalon, livre à décharge mais bien mieux argumenté que ceux à charge. Il y remet les choses à leur juste place.

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    12. Alors Koltchak, vous devriez le revoir. La noblesse de province y est justement présentée sous un tout autre jour que celle de la cour. Elle y est représentée par deux personnages: le principal, en effet, Grégoire Ponceludon de Malavoy, jeune noble éclairé et droit venu des Dombes à Versailles, pour faire financer par le roi l'asséchement des marais. Et puis un noble normand, moins habile, qui vient solliciter et se fait moquer de telle sorte qu'il finit pas se pendre dans l'indifférence générale. Pas sûre que le spectateur lambda ne saisisse pas la critique de cette cour toute à ses intrigues et son aveuglement.
      Quant au roi, il est certain qu'il n'est pas joué par un Adonis.
      Sinon, le film insiste sur sa curiosité des ouvrages d'art et sa rectitude. C'est lui qui mouche finalement ce prêtre corrompu qui aime tant les mots d'esprit.
      Tout la difficulté consiste à l'atteindre, tant l'Etiquette et le jeu des intrigues tissent autour de lui un rideau infranchissable.

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  7. Les rois, comme tous hommes, ne furent pas parfaits et la royauté, comme toute chose humaine, a pu avoir ses défauts.

    Cependant, elle fut le système qui vit et permit l'épanouissement spirituel, culturel, artistique, économique et social de la plupart des nations Européennes (avec quelques exceptions comme Venise, Gènes, Novgorod...).

    Ce système a dans l'ensemble répondu aux défis de son époque. Avec parfois beaucoup de pertinence, parfois un temps de retard, parfois quelques occasions manquées, mais elle a dans l'ensemble bien fait son travail. On peut repprocher à Louis XVI sans doute un manque de fermeté, mais certainement pas d'avoir été félon, ni de mépriser un peuple que Voltaire trouvait certainement bien plus encombrant et qu'il fréquentait encore moins.

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    1. Tchetnik, nul n'est parfait. Certes. Mais je ne crois pas que Voltaire ait été si indifférent ni si méprisant.
      Ses idées sont aussi bien tournées que sa langue, qui est magnifique. Ne trouvez-vous pas?

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    2. Vous croyez ?

      " Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas qu'il soit instruit. Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu. ".
      lettre à M. Damilaville, 19 mars 1766

      On a par trop tendance à monter >Voltaire en épingle, à en faire le parangon de l'honnête homme des lumières, soucieux du peuple, étoussa. Il faut dire que les révolutionnaires lui ont voué un culte qui a été repris avec plus ou moins de bonheur par la république à travers l'EdNat. Bien sûr, on a passé sous silence ses écrits les plus limites dans lesquels il affiche un mépris et une haine des juifs même pas déguisés, sans parler de ses articles sur les africains qui dépassent en ignominie ce qui a pu être écrit un siècle plus tard par les tenants des théories raciales.

      Il ne faut pas oublier que Voltaire a été avant tout un homme de cour, rompu à tous les bassesses, à toutes les servilités devant les puissants de son époque afin de garantir sa gamelle et son train de vie. Le peuple ? Au mieux un sujet d'expérience en ingénierie sociale. Quant à sa mégalomanie, ce petit passage de sa vie à Ferney est particulièrement éclairant :

      " A 68 ans, Voltaire veut faire déplacer la petite église qui se trouve en face de son château. Elle bouche la vue, se plaint le roitelet de Ferney. Il commence par retirer un crucifix, enlève un bout de cimetière et une partie de l'édifice, quand l'évêque du coin s'alarme et lui intente un procès. Voltaire persiste et signe. "J'ai jeté par terre toute l'église pour répondre aux plaintes d'en avoir abattu la moitié, raconte-t-il au comte d'Argental et à son épouse, en 1761. J'ai pris les cloches, l'autel, les confessionnaux, les fonts baptismaux ; j'ai envoyé mes paroissiens entendre la messe à une lieue." Il éructe : "Je ferai mourir de douleur mon évêque s'il ne meurt pas auparavant de gras fondu."

      Finalement, Voltaire fait machine arrière et rebâtit l'édifice. Il inscrit toutefois sur le fronton une phrase que le temps n'a pas effacé : "Deo erexit Voltaire". Autrement dit : "Erigée par Voltaire à Dieu." En toute modestie... "Toutes les autres [églises] sont dédiées à des saints, rappelle-t-il. Pour moi, j'aime mieux bâtir une église au maître qu'aux valets." Mégalomane, il fait inscrire "Voltaire" en lettres plus grosses que le mot "Dieu"
      ".

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    3. Voltaire a eu bien des excuses.

      Il a passé un certain temps près de Frédéric de Prusse, un monarque absolu et éclairé, d'un athéisme sarcastique, qui préférait ses chiens et ses paysans à sa noblesse qu'il exécrait. Il reprochait à ces "gredins, feignants comme des couleuvres", disait-il, de n'avoir qu'un objectif : "voler le roi et dépouiller ses sujets par toutes sortes de mauvais procédés qu'il se faisait fort de découvrir pour leur rendre gorge jusqu'au dernier thaler"! Entretemps, il dormait avec la clef du trésor royal autour du cou et faisait le tour du palais à 21h00 pour éteindre les bougies, laissant ce pauvre Voltaire dans l'obscurité, lequel se vengea en nommant le château de Postdam "d'infâme trou à rats" et le Roi de Prusse " de roi de farce".

      Informé, le roi le flanqua à la porte avec fracas, après s'être fait payer le prix de la course de la voiture de poste jusqu'à la frontière.

      Voltaire demeura longtemps traumatisé par si peu considération d'un roi dont il avait fait tant d'éloge.

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    4. Koltchak, ce que vous dites est vrai. Voltaire était sans doute insupportable et vaniteux. Mais c'est sa complexité-même qui m'intéresse: il est tout et son contraire et surtout, sa plume est admirable.
      Et à la fin de sa vie, il sucrait sans doute un peu les fraises.

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    5. Lecanasson, c'était le bon temps! Pas comme les présidents tièdasses d'aujourd'hui!

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    6. Certes, Frédéric le Grand, en accédant au trône, a foutu toute la cour de son père à la porte car elle lui cramait une brassée de chandelles à l'heure et lui ruinait ses parquets pour rien (surtout les bonnes femmes). Les inutiles raus !

      A neuf heures du soir, extinction des feux ! Ce qui faisait hurler de rire Versailles, surtout Madame de Pompadour ! Ayant appris cela par ses espions, Le Roi de Prusse a eu cette phrase prophétique :"Ils riront moins au son du canon !"

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  8. Lecanasson, tu ne dis pas d'horreurs. On est ici pour discuter sans honte ni peur.
    les historiens pensent en effet que la fuite de Louis XVI a signé sa perte. Ses ennemis n'attendaient que ça. Ils ont eu beau jeu, ensuite, de crier à la trahison pour faire passer sa condamnation à mort, qui autrement, aurait risqué de provoquer une contre-révolution. Le roi restait malgré les événements un personnage sacré.
    Le vote de son exécution n'a d'ailleurs été remporté qu'à une voix près, ce qui signifie que même chez les exécuteurs publics, on hésitait.

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  9. Koltchak, c'est vrai que Louis XVI fut un souverain particulièrement humain et éclairé. Mais il était hésitant, peu porté à la fermeté et peut-être un peu trop confiant en la nature humaine. Il l'a payé très cher.
    Il est très probable que s'il avait donné l'ordre de tirer le 6 octobre 1789 au lieu de se laisser mener à Paris, il aurait repris la main. Mais il répugnait à la violence.

    Il est vrai aussi que le climat avait été particulièrement peu clément ces années-là et que les gens crevaient de faim. Il n'a pas su prendre la mesure de la misère de ses sujets, ni du danger qui couvait.
    Et puis la vénalité des offices, pompe à sous efficace pour alimenter le trésor toujours assoiffé, sous Henri IV et surtout sous Louis XIV, avait atteint ses limites sous Louis XVI. Le système a implosé: la noblesse était devenue pléthorique et par trop détachée de ses obligations morales et militaires. A cause de cette "facilité", on pouvait acheter une charge à la couronne à prix d'or et la transmettre grâce à la paulette, une sorte d'impôt. Trop facile.

    Louis XVI n'était en rien responsable de cela, mais il s'est trouvé en bout de chaîne.

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    1. Sur la vénalité des offices, il y a eu plusieurs tentatives de réformes qui ont été étouffées, en même temps que celle qui devait établir un impôt égalitaire qui n'aurait pas épargné la noblesse. Aurions-nous eu un roi plus ferme qu'elles auraient été conduites. Seulement voilà, il était légaliste et n'a jamais voulu passer outre l'avis des parlements qui étaient opposés à ces réformes.

      Pour comprendre Louis XVI, il ne faut pas oublier qu'à contrario des précédents dauphins il n'avait pas été particulièrement élevé dans l'optique de gouverner à la manière de Louis XIV, mais plutôt comme un monarque éclairé. Ce qui explique sa répugnance au recours à la force.

      Ce que vous pointez à propos de la noblesse est certainement vrai pour celle de cour. Celle de province attachée à son peuple n'a jamais démérité et a continué à payer l'impôt du sang dans les rangs des régiments du royaume.

      Enfin, il me semble important de rappeler que Louis XVI n'était pas ce petit roi bedonnant, plus penché sur ses travaux de serrurerie que sur les affaires du royaume. C'était avant tout un colosse d'1,90m, bâti en muscles grâce à une pratique assidue de la chasse, féru d'histoire, de géographie, de sciences, de techniques et de marine. C'est lui qui mandata l'expédition La Pérouse dont le but consistait à cartographier les océans. Il participera d'ailleurs activement à la préparation du trajet. C'est sous son règne que la France se verra dotée d'une véritable marine de guerre capable de damer le pion à l'adversaire britannique. Les officiers commandants, supérieurs, les marins avaient été formés dans ce but et l'expédition des Amériques a montré qu'il avait été atteint. Les révolutionnaires puis Bonaparte détruisirent ce formidable outil. A partir de là, la France n'a jamais retrouvé sa grandeur.

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    2. C'est surtout que Louis XVI qui était en fait un démocrate était très mal entouré de courtisans qui voulaient vivre comme sous Louis XIV et qu'il avait épousé une DINDE autrichienne à grosses dépenses mais à petit cerveau, laquelle a commencé à réfléchir, la tête dans la sciure !

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    3. On a aussi beaucoup exagéré la légèreté de Marie-Antoinette qui était tout sauf une dinde écervelée.

      Quant à qualifier Louis XVI de démocrate, c'est clairement un télescopage temporel. Il avait une conception éclairée de la manière de gouverner qui n'avait rien à voir avec la démocratie, enfin telle qu'elle est comprise aujourd'hui, c'est à dire au sens de social-démocratie. Pour mémoire, la véritable démocratie est un régime aristocratique, bien plus rigide et sévère que ne l'a jamais été la monarchie française. Et c'est bien là le problème, plus personne ne sait quelle est sa place et comment la tenir.

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    4. Une dinde, koltchak, une véritable dinde.

      Même la vieille Marie-Thérèse, qui n'était pas un modèle de douceur envers ses sujets, ne cessait de lui reprocher sa désinvolture envers les devoirs de son rang et son train de vie provocateur. "Cette folle danse au bord d'un volcan !" a-t-elle écrit à son fils dans une lettre.

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    5. Une dinde au début, sans doute. Il faut voir aussi qu'elle est arrivée à la cour à 14 ans, absolument pas préparée à devenir reine et petite dernière assez mal éduquée d'une immense fratrie.
      Cette gamine habituée à avoir la bride sur le cou s'est retrouvée brutalement plongée dans les règles rigides de l'Etiquette de la cour de France et elle s'y est trouvée très mal à l'aise. D'où les excès qu'on lui connaît.
      Ensuite, elle a changé et a appris son rôle de reine.
      Les réponses qu'elle fit à ses questionneurs lors de son procès sont étonnantes de finesse et d'intelligence.

      Quant à sa mère, elle la critiquait tout en lui infligeant un rôle d'espionne fort déstabilisant ( et dangereux), qui demandait une certaine solidité et pas mal d'à-propos.

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  10. La France de Louis XVI était l'un des pays, sinon LE pays le plus riche et le plus avancé d'Europe. Mais cette richesse restait en effet basée sur la production agricole (qui faisait des fermiers et détenteurs de la terre le premier débouché pour l'ensemble des autres secteurs de production manufacturière) laquelle restait encore dépendante des caprices de la nature.

    De plus, Louis XVI a été victime d'une (grosse) partie de la noblesse qui ne remplissait plus son rôle de puissance publique mais rêvait de retrouver sa puissance d'antant, ce alors que les descendants n'avaient plus les vertus des ancêtres, il s'en faut de beaucoup. il est significatif de voir que, à l'instar de l'Empereur Nicolas II en Russie, ces nobles furent les premiers à trahir leur souverain et à s'allier aux révolutionnaires.

    Louis XVI était en fait bien plus cultivé, intelligent et lucide sur la situation du pays qu'on a bien voulu le prétendre ensuite (ce avec la complicité des Orléans qui justifiaient, ou en tout cas excusaient ainsi le geste de Philippe Égalité).

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    1. La France était aussi le pays le plus peuplé d'Europe, ce qui ajoutait à sa puissance.

      Sinon Tchetnik, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous: pas mal de nobles furent tout de même exécutés, beaucoup d'autres s'enfuirent je ne suis pas sûre qu'autant d'entre eux s'allièrent aux Révolutionnaires. Philippe Egalité en fut, c'est vrai (pour mémoire, il siégeait au procès du roi Louis XVI son cousin, dont il vota l'exécution). Mais il l'a payé cher, puisqu'il finit lui aussi par être décapité. Comme quoi...

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  11. Beaucoup de nobles ont été poursuivis ou exécutés, c'est vrai, mais quand on voit dans les églises parisiennes par exemple, ou dans les archives départementales les listes des guillotinés, on y retrouve en proportion bien plus de gens du peuple.

    Certains nobles comme en Vendée ont effectivement relevé leur devoir, mais d'autres en revanche ont complaisament cédé aux exigences révolutionnaires qui en fait croisaient assez leurs ambitions.

    Pour Philippe Égalité, en effet, cela ne lui a pas porté bonheur.

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    1. Vous faites bien de mentionner la Vendée, Tchetnik, parce que dans l'histoire éclairée de l'Europe occidentale, cette malheureuse province fut le théâtre du premier génocide "moderne". Les révolutionnaires, devant la résistance de ses habitants, décréta l'extermination pure et simple de sa population, sans distinction d'opinion, de classe sociale, d'âge ou de sexe. Reynald Secher vient d'exhumer des textes inédits du fond des Archives nationales, qui sont accablants et bien gênants pour la voix officielle.
      http://www.dailymotion.com/video/xmbv9m_au-coeur-de-l-histoire-le-genocide-vendeen-reynald-secher_news

      Quant à la noblesse, elle n'était pas d'un seul tenant et forcément, il y eut parmi ses membres des gens qui choisirent leur camp, par intérêt sans doute; par conviction peut-être aussi. Comment savoir? C'est humain. Quant aux proportions de guillotinés parmi eux, il est logique qu'ils soient peu représentés, puisqu'ils constituaient une part très minoritaire de la population.
      Ce qui ne signifie pas que ceux qui restèrent n'aient payé un tribut assez lourd.

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    2. Ne pas oublier la volonté révolutionnaire de rayer des esprits certaines villes qui se montrèrent rétives au nouvel ordre. Ainsi, après la terrible répression qui eût lieu à Lyon, la ville fut rebaptisée "Commune-Affranchie". Puis ce fut le tour de Toulon, qui effrayée par les horreurs commises à Lyon se livra, par désespoir, aux anglais. La ville fut mise à sac, livrée aux soudards de l'armée révolutionnaires, aux galériens et aux bagnards libérés pour l'occasion. Initialement vouée à la destruction, 24.000 bras avaient été levés pour l'occasion, Toulon fut sauvée en raison de sa nature de port de guerre. La convention décida de la débaptiser pour l'appeler "Port-la-Montagne".

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  12. l'espèce n'a pas disparu je vous rassure,elle s'est accouplée avec les bourgeois financiers,fouillons un peu dans les conseils d'administrations et au médef. Allez sans rancune pour loulou XVI.
    Bzzz...

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    1. ...rêvant de rétablir le bon vieux temps où on avait droit de haute et basse justice sur ses terres, où la préséance venait avec naissance et non droit et où le peuple était considéré comme chose de peu.

      "qui sème le vent, récolte la tempête" dit le proverbe.

      D'ailleurs, la clique et sa mentalité est encore là, n'oublions pas M. Balladur et sa fameuse expression "la France d'en-bas".

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    2. Peut-être, mais à l'époque chacun savait où était sa place et la tenait. Avec la révolution est née l'envie. M'est avis qu'on n'a pas gagné au change, loin s'en faut.

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    3. Non, chacun se voyait attribuer une place par plus fort que lui et n'avait pas à en bouger sous peine d'y laisser la vie. C'est pourquoi il la tenait. D'où le semblant d'ordre qui peut servir de prétexte pour pérénniser le système.

      C'est la loi du plus fort sur le plus faible depuis des millénaires, jusqu'à ce que le plus fort devienne moins fort et que le moins fort devienne plus fort et prenne sa place...pour faire pareil. Révolution ou pas, ce sont les mêmes mentalités qui gouvernent. Les chimpanzés ont le même système politique que nous.

      L'homme n'a pas vocation de dominer l'homme pour survivre, mais de le servir. Quand il aura compris cela, chacun trouvera sa véritable place. Pour l'instant, on fait les singes. D'ailleurs, c'est flagrant...

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  13. Oui Bourdon, aujourd'hui ça ne veut plus dire grand chose. Seul l'argent les maintient dans l'illusion du passé. Sans argent, plus de château de famille, plus de lien à la terre, plus rien.

    Balladur n'avait certes pas la classe de Louis XI, lecanasson.

    Difficile à dire Koltchak. On ne peut pas refaire l'histoire à l'envers, ni l'immobiliser à une période donnée.

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