La grande misère de la Grèce
J'ai eu le bonheur de revoir ma grande amie grecque en septembre. Six années avaient passé depuis notre dernière rencontre, chez elle, à Ioannina.
Elle est médecin endocrinologue et elle profitait d'un congrès à Paris pour s'échapper un peu des réalités grecques.
Tout le monde sait qu'en Grèce, depuis quelques années, on bouffe de la vache enragée à toutes les sauces.
Seulement là, j'avais beau être au parfum, j'ai eu un choc.
Toute grecque qu'elle est, mon amie n'est pas du genre à nous pousser la tirade, genre Electre, ce sont donc des détails de rien du tout qui m'ont d'abord mis la puce à l'oreille.
Elle voulait savoir le prix de tout. De la baguette de pain, à celui du carburant au loyer moyen. C'était plus fort qu'elle. A propos de chauffage (elle habite le Nord de la Grèce, un coin où ça pince sévère), quand je lui ai dit qu'on pouvait presque s'en dispenser l'hiver (j'habite à Paris, pas à Ioannina), elle y a d'abord vu une mesure d'économie. C'est là que j'ai découvert que la plupart des gens ne se chauffaient plus, faute d'argent.
Elle est restée quelques jours et les langues se sont déliées. J'ai alors découvert quel enfer était devenu la Grèce. Non seulement on ne se chauffe plus, même quand les températures descendent à -10°, mais les impôts sont effroyables. Mon amie, qui exerce en libéral et trime comme une bête pour offrir des études à ses trois enfants, voit 60% de son revenu partir en impôts! Et ce serait 80% si elle déclarait tout. Devant mon regard halluciné, elle m'a alors fourni une explication que même les pires tordus n'auraient pas imaginée: le gouvernement grec à décidé d'imposer à ces taux de folie les médecins, les avocats et je ne sais plus quelle autre catégorie professionnelle maudite, au prétexte qu'ils sont pleins aux as et supposés experts en détournements divers. Ça c'est de l'enquête chiadée!
Alors je lui ai demandé comment les gens réussissaient à survivre dans un merdier pareil. C'est très simple: ceux qui sont ruinés vivent aux crochets des autres, saignés à blanc, grâce aux aides publiques. Les solidarités familiales jouent à fond. Les entrepreneurs enregistrent systématiquement leur boîte en Bulgarie ou en Albanie pour éviter la banqueroute programmée par des taxes au moins aussi écrasante que les impôts des médecins. Les petits malins se débrouillent et fraudant tout le monde. Tous ceux qui ont pu partir l'ont fait et aident les leurs avec l'argent gagné aux quatre coins du monde.
Tout le monde regrette d'avoir choisi l'Union européenne, sauf bien sûr les élites au pouvoir qui elles, gagnent très bien leur vie et réservent les meilleurs postes à leurs obligés et leur famille. Le piège s'est refermé.
Par chance, il reste des vieux. Ils en ont vu d'autres, ils ont encore en tête les souvenirs de la guerre civile de 1944, pas si ancienne, et raisonnent les jeunes qui veulent en découdre.
Petit jeu: changeons d'époque. Petite devinette: par qui remplace-t-on le soldat anglais? |
La nouvelle guerre civile, tout le monde en a peur là-bas.
Les Grecs en sont là.
Qui en parle?
Après trois jours, mon amie est retournée chez elle retrouver sa famille. Pour rien au monde elle n'envisage de quitter son pays, même si elle le pourrait.
Je ne sais pas quand je la reverrai. Elle a mis plusieurs années à économiser pour ces trois jours de congrès à Paris.
Chère Io, tes billets que je découvre à la suite -je ne les avais pas aperçus au fur et à mesure, sur la blog-roll d'un ami commun- sont pertinents à souhait. Celui-ci, poignant. Voilà un commentaire sans intérêt, mais puisqu'ils ont disparu, je voulais faire un peu parler la grande muette ;-)
RépondreSupprimerBises, amitiés et bon dimanche.
Merci Al West, d'être venu à mon secours en rétablissant la parole ici. Ce que je me sens péteuse...
RépondreSupprimerMerci aussi de tes mots. Ecrire, même très modestement, amène automatiquement à s'interroger sur l'impact sur les lecteurs. L'idée maîtresse étant tout de même de ne pas trop les barber.
Oui, ce qui se passe en Grèce est terrible.
Amitiés,
Bisous et bonne fin de dimanche à toi.