lundi 2 avril 2012

Pôle Emploi à l'école

Ça y est, c'est officiel!
Enfin officiel... Notre Sainte Mère l'Education Nationale ne le clame pas non plus à coups de corne de brume, elle a le goût du secret, la coquine.
Mais le coup d'envoi est lancé.
On nous envoie du recruté à Pôle Emploi pour faire la classe.

Pas tout  fait la couleur de ces belles affiches si pimpantes... et si fausses.
L'image qu'elles renvoient est digne de la plus vicelarde des propagandes. Tu parles qu'ils recrutent! Des clous à côté de ce qu'il faudrait!
Et ces jolis profs béats....Pas grand chose à voir avec la tête de mes chers collègues, tous plus hagards les uns que les autres en ce moments, tellement ils sont épuisés!
Manque plus qu'un marche militaire pour faire plus vrai.



On chuchotait déjà que dans CERTAINS collèges, les principaux désespérés se livraient à une sorte de racolage honteux dans les couloirs de Pôle Emploi la Maudite. Pourquoi tomber si bas? Pour dénicher quelques pauvre hères assez fous pour accepter un poste de prof vacataire à l'année ou un remplacement. Plus assez de profs diplômés.
Voilà où ça mène la suppression de plus de 66 000 postes depuis 2007.
Cette politique éclatante de bon sens commence à porter ses fruits: la pénurie de profs est en train de devenir visible. C'est bon pour la présidentielle, ça. Bien visé!
C'est bon aussi pour porter nos chers petits au firmament de la culture et de la connaissance.

Donc, comme on ne peut tout de même pas laisser les classes en pilotage automatique, alors, on bricole.
Heureusement, Pôle Emploi est là.

Or donc Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir et l'honneur de faire savoir très officiellement que Pôle Emploi a fait son entrée dans le primaire cette année.
J'ai ouï dire par une ancienne collègue en poste à Stains que la classe de CM2 voisine de la sienne était aux mains d'une pauvre femme débarquée de Pôle Emploi sans aucune qualification. C'est un boxon furieux qui use les nerfs de toute l'école et qui pousse la malheureuse à la dépression (d'autant qu'elle est sous-payée pour ce boulot de gladiateur) et qui mène les gosses à l'échec.
C'est étrange, parce qu'officiellement, les classes de CM2 et de CP, réputées difficiles et déterminantes pour l'"enfant qui est au centre du système", ne doivent pas être confiées à des débutants. Les inspecteurs sont implacables sur la question.
Faut croire que là, ils ont un coup de mou.
Il est vrai que c'est à Stains: un bout du Seine Saint Denis de triste réputation. On lâche du lest.

Seulement voilà, ça commence aussi ailleurs, mais en catimini.
La Très Vénérée Education Nationale n'assume pas trop bien, on dirait.
Chez nous aussi. Pourtant, excusez du peu, chez nous, c'est quand même mieux qu'à Stains. Non mais sans blague!
Une collègue tombe malade. La directrice, désabusée, appelle l'inspection de circonscription (l'antenne locale de l'inspection académique) par acquis de conscience. Voilà des mois que plus aucun remplaçant n'est disponible, sauf miracle.
Là, miracle. On lui répond qu'"on lui envoie quelqu'un". Qui? On ne sait pas, mais l'essentiel, c'est qu'il y ait "quelqu'un". De toute façon, on ne les connaît pas toujours, les remplaçants.
Or, "quelqu'un" nous venait de Pôle Emploi dans le plus grand secret.
On n'aurait aussi bien pu ne jamais le savoir.
La Grande Muette a fait des petits.
La directrice, a été intriguée parce que "quelqu'un"lui demandait de bien vouloir signer un bordereau de présence. Nouvelle procédure?
Elle a posé des question et "quelqu'un", acculé, à fini par lui avouer que c'était pour Pôle Emploi.

Quand je pense qu'à côté de ça, sous prétexte de singeries finlandaises, on impose un master aux nouveaux.... et qu'on les lance dans l'arène sans plus aucune formation.
D'accord, c'est vrai, la formation était une vaste mascarade. Ça fera l'objet d'un autre billet . Là, je crains de décourager.

Prochaine étape: autogestion des élèves et que le meilleur gagne!
On verra  quelle belle affiche ils nous cuisineront pour l'occasion.

21 commentaires:

  1. Si je comprends bien, on remplace des profs par des non-profs ?
    C'est vraiment dingue...
    Du coup on comprend mieux le ralentissement de la croissance du chômage.
    On pourrait aussi envoyer des anciens du BTP ou des pizzaiolii au chômage remplacer les chirurgiens malades.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as très bien compris.
      Au train où ça va, en effet, on va finir avec du béton ou de la pâte à pizza dans le bide.

      Supprimer
  2. Sais tu sur les 10 dernières années quelle a été l'évolution globale du nombre d'élèves et même chose pour les profs ?

    Chatel et Sarko disent que le nombre de profs a baissé parce que le nombre d'élèves a lui aussi baissé ? Vrai, faux ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est illogique que le nombre d'élèves soit en baisse alors que la populaton est en augmentation.

      Supprimer
    2. J'aimerais pouvoir te répondre Corto. Ta question est pertinente. Mais je ne peux pas. Personne ne connaît les chiffres exacts.
      En revanche, ce que je sais, c'est que le nombre d'élèves va crescendo dans la plupart des classes et que le nombre de profs disponibles auprès d'eux va descrescendo.
      Ce que je sais aussi, pour l'avoir entendu sur les ondes, c'est que nos politiques ne réalisent pas une chose, à moins qu'ils ne fassent semblant: le nombre de fonctionnaires comptabilisés comme profs ne correspond pas au nombre de profs devant les élèves. Ils mettent tout le monde dans le même sac au lieu de considérer qu'un pourcentage non négligeable desdits profs n'enseigne pas: décharge syndicale, placard pour diverses raisons (puisqu'on ne licencie pas), conseillers divers et variés, profs détachés....
      Je vais essayer tout de même de te trouver des chiffres, mais je ne te promets rien.
      La Grande Muette....
      :)

      Supprimer
    3. En effet Nadezda, à moins que la population ne vieillisse?

      Supprimer
  3. Si j'étais l'avocat du diable, je dirais ceci :
    Avant, l'école avait pour but d'instruire, des vrais professionnels bien formés étaient donc nécessaires.
    Actuellement, l'école a pour but de transmettre de la propagande. Accessoirement, pour justifier son caractère obligatoire, elle essaie aussi d'apprendre à assembler quelques lettres pour former des mots. L'école peut donc se passer d'enseignants formés, le premier quidam venu fait l'affaire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Peut-être. Je t'avoue que je ne sais plus trop quel but est poursuivi.
      Je crois surtout que nous assistons à une véritable entreprise de sabotage: l'école publique (j'y inclus le collège et le lycée) semble devenue la bête à abattre. Pourquoi?
      Favoriser un système à l'américaine ou à l'anglaise où le meilleur devient payant?
      Encourager un système où moins les masses penseront, mieux ça vaudra. Savoir réservé aux élites?
      Réduire les profs au pas, histoire qu'ils arrêtent un peu de penser, de se cultiver, de réfléchir et qu'ils contaminent bêtement leurs élèves?
      Et sur ce dernier point, je te rejoins un peu. Dans ces conditions, en effet, le premier quidam fait bel et bien l'affaire.

      Supprimer
    2. Boudiou ! Il a dit la vérité, il faut l'exécuter ! Rooooh de la propagande ? où c'est qui voit de la propagande, le réactionnaire, à l'école ?

      Supprimer
  4. Pas étonnant que ma fille, chômeuse, hélas, analyste financier sans boulot du fait de la crise de la bourse et des banques qui débarquent à tout va, ai reçu recemment une offre de pôle emploi pour pourvoir des postes d'enseignements....et ben...elle veux pas !!

    RépondreSupprimer
  5. Tiens donc! Et pourquoi ne veut-elle pas? :)
    Dis-moi Boutfil, j'aimerais savoir quel salaire lui est proposé, pour faire le bouche-trou. Pourrais-tu le lui demander?

    Je lui souhaite très sincèrement de trouver rapidement du boulot dans sa branche. Quel gâchis.....

    RépondreSupprimer
  6. Félicitations Io, tu as été cité par Radio Hollande pour ce billet! :)

    RépondreSupprimer
  7. Enseignante moi-même, je te remercie pour ce post. Depuis le temps que j'en parle autour de moi, je passe pour une fanatique même auprès de mes collègues car le recrutement Pôle Emploi a d'abord été mise à l'épreuve dans les DOM-TOM il y a trois ans.
    Quant aux chiffres sur le nombre d'élèves ils ont été annoncé il y a quelques jours avec quelques mois de retard... Je recommande la lecture de http://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2012/04/03/des-dechiffreurs-de-l-education-pour-lutter-contre-la-desinformation_1679900_1473688.html#xtor=AL-32280258.
    Bon courage, et votons du bon côté, car sinon, dans 5 ans, on se souviendra de l'Ecole Publique, Laïque et Républicaine comme d'une espèce non pas en voie de disparition mais disparue à jamais.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci de ta visite et de ton témoignage, Madison. Tes collègues ne te croient donc pas?
      Remarque, il faut admettre que c'est tellement incroyable...
      Ainsi donc, ça a commencé il y a trois ans dans les DOM TOM?
      Je trouve ça intéressant. On expérimente là où dans le fond, les citoyens comptent pour du beurre: qui s'intéresse aux DOM TOM?
      Maintenant, c'est le tour des banlieues pas trop proprettes.
      Ensuite, à qui le tour?
      Merci aussi pour le lien.

      Heureusement qu'il y a internet.
      :)

      Supprimer
  8. il n'y avait pas de salaire proposé sur le mail, seulement une offre de poste et comme ça ne l'interressais pas, elle n'a pas été plus loin !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, normal. Et pourtant, ça serait sûrement édifiant de savoir.

      Supprimer
  9. Une amie qui était enseignante en primaire à Kourou il y a 3 ans voyait défiler des PoleEmployés dans la classe de sa collègue en longue maladie. Une vraie catastrophe pour les gosses et pour l'école toute entière. Voilà comment faire des économies de bouts de chandelle et en même temps comment faire baisser les stats du chomdu.
    Effectivement, il y a un cheminement : après les DOM TOM, les banlieues où les parents ne votent pas... Ils n'ont pas encore osé attaquer les grosses villes (à Paris, je n'ai pas encore vu ces nouveaux "carglass" de l'EN en action) mais sûr qu'à la rentrée prochaine, si rien ne change, on va y avoir droit.

    Autre sujet mais qui montre aussi la volonté de faire des économies sur de l'humain : cette amie, l'année suivante, avait demandé son changement pour Toulouse car son mari y était muté. Elle ne l'a pas obtenu (aux diable les lois Auroux) et s'est retrouvé un an sans salaire parce qu'elle a refusé de rester sur son poste. C'est un cas extrême mais qui s'est généralisé sur le territoire à l'heure où on demande de la mobilité aux employés de tout poil... C'est tellement simple : tu vis une vie de famille éclatée ou t'es pas payé. Et si t'es pas payé, pas grave, on prendra un chômeur payé des cacahuètes pour "garder" les gosses.
    Bon, allez, j'arrête. Il y a tellement à dire qu'on y passerait la nuit voire mille et une nuits. Et pourtant, ce n'est pas un conte de fée !

    Merci pour ta visite sur mon blog ;)
    @ bientôt !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais je t'en prie!

      Si c'est ça, "ils" se trompent, parce que les gens votent bel et bien, par ici. C'est bien pour ça qu'"ils" font ça discretos, ils se méfient quand même.

      Quant à ton amie, elle n'est hélas pas la seule dans ce cas. Elle devrait porter plainte auprès du tribunal administratif. Ça va prendre 3 ans, mais qu'est-ce qu'elle a à perdre?

      Oui, il y a beaucoup, beaucoup à dire... suite la prochaine fois!

      Supprimer
  10. J'ai moi-même été vacataire (donc précaire, c'est très arrangeant pour les chiffres officiels), juste avant des campagnes de recrutement au sein de Pôle Emploi. J'ai pu voir de mes yeux vu que le manque de prof n'était pas une chimère. De nombreux enseignants dans mon entourage, amis et famille. Je les admire de travailler dans de telles conditions. Courage à toi.

    RépondreSupprimer
  11. Bonjour Laurent!
    Tu as donc vu l'envers du décor de tes yeux vu. Et tu as goûté aux pires conditions qui soient.
    Les profs en titre ne sont pas les plus à plaindre.

    Merci pour ton témoignage.

    PS: miracle! Ton blog m'est ouvert à nouveau!

    RépondreSupprimer
  12. Sans vouloir nager à contre-courant, je vois que le service public commence à être contaminé par ce que nous vivons depuis quelques années dans le privé : utilisation d'intérimaires non formés, mal payés pour officiellement aider, officieusement pourrir le statut numéraire des CDI. On peut les exploiter, les traiter comme on veut, les virer du jour au lendemain. Message subliminal : ce qu'on leur fait aujourd'hui, on peut vous le faire demain...

    RépondreSupprimer

Vos commentaires sont les étoiles scintillantes de ma galaxie. Si toutefois des météorites menaçaient de fracasser ce modeste espace de parole, je me réserve le droit de les renvoyer dans les étendues glacées de la blogosphère. Moi, Io, ne saurait être tenue pour responsable de leur composition ni de leur destin