lundi 7 mai 2012

Ma journée particulière

Pour commencer, qu'on veuille bien ne pas voir dans mon titre une quelconque allusion politique. Je n'ai rien trouvé d'autre et loin de moi l'idée de comparer la journée d'hier à celle du film d'Ettore Scola*. Soyons clairs. D'ailleurs je ne ressemble pas du tout à Sophia Loren.
Voyez plutôt.

Hier, donc, fut le Grand Jour.
Le matin, je m'en suis allée non-voter.
Je voulais exprimer mon désarroi en rendant une enveloppe vide. Pas possible de voter Sarko et son entreprise de massacre ahurissant de l'école publique, de la police, de l'hôpital... Pas confiance en Hollande et la clique socialeuse. Tout le monde s'en fout de mon désarroi, puisque les enveloppes vides, les bulletins blancs, trafiqués, décorés sont de toute manière fourrés dans le même sac.
N'empêche que je ne voulais pas rester terrée frileusement chez moi. Ça n'aurait ressemblé à rien.

La rue n'avait pas son air de d'habitude avec tous ces gens à pied et habillés en dimanche, lancés dans la même direction: l'école-bureau de vote.
Du coup, ça se saluait dans tous les coins et des agrégats se formaient sur les trottoirs. Ils avaient l'air contents de se voir.
Moi-même, au lieu du quart d'heure prévu, j'ai mis pas loin de quarante-cinq minutes pour non voter. Au passage, j'ai récolté des nouvelles de la famille Têtard dont la fille aînée termine khâgne, Véro m'a renseignée sur l'adresse d'un bon élagueur pour mon cerisier et Jean m'a entretenue longuement de son adoration pour son chat Gribouille.

Un frère jumeau
J'ai sauté dans ma voiture pour filer vers Paris. J'avais rendez-vous avec des amis et j'étais déjà en retard.
En bas de l'immeuble, il y avait une brocante. Du coup, c'était plein de monde dans la rue et les gens se causaient aussi. A Paris, surtout dans ce quartier-là, ça sonnait franchement exotique. Dans ce coin-là, les rues sont vides le dimanche, tout juste fréquentées par des petites dames qui promènent leur chien.
On se serait cru dans un film d'Audiard. Les brocanteux ne sucent pas que de la glace et ils n'ont pas la langue dans leur poche. Ça s'invectivait entre deux tartines de pâté et les bouteilles de blanc traînaient ouvertement entre les pliants. On alpaguait le chaland d'un air bonasse  et la chalante s'entendait brailler des galanteries. Tout était hors de prix, évidemment, mais ça valait le coup d'oeil. J'ai bien aimé le stand d'un gars qui proposait toutes sortes de reliques de l'URSS: vestes et casquettes de l'armée rouge, portraits de Lénine, chapkas un peu grasses estampillées d'étoiles.... Good bye Lénine!


Ils m'ont donné faim avec leurs déballages de rillettes et de jolies baguettes farinées. Trop faim pour attendre. Pas assez pour prendre un vrai repas. Il me fallait du pain.
Pas de boulangerie ouverte!
J'avise un Lenôtre. Ils doivent bien avoir du pain, là-dedans. J'entre. Une vendeuse à l'accent pointu m'accueille comme si j'étais la dernière romano. Le fait que je ne demande que du pain n'a pas dû arranger mon image. Dans ces maisons-là, on paye à la caisse. Une jeune femme de couleur à l'air soumis (la patronne devait lui en faire voir) me demande alors six euros! Pour un pain rond aux noix et aux raisins!
L'espace d'un instant, j'ai failli les planter là avec leur pain, mais j'avais faim. Alors j'ai fait répéter et j'ai casqué. Bande de voleurs... Naturellement, l'ami qui me tenait compagnie en a fait ses choux gras et il a cruellement ricané. Pas de pitié pour les affamés.

Le soir venu, vers dix-neuf heures, je me trouvais à une terrasse avec un petit verre de Gaillac. Les brocs remballaient en s'engueulant. Les passant allongeaient le pas, en quête d'un repas tout fait à rapporter chez eux. Qui du pain (je ne sais pas combien ils l'avaient payé, eux), qui des crapuleries chinoises, qui des pizzas.... tous pressés. De l'électricité dans l'air. Sus à la télé!
Ce fut donc une soirée pizza-bière-télé-commentaires sans pitié.

Voilà ce que j'en ai retenu:
- Ça s'est mis à traîner vilainement en longueur à partir du moment où Hollande à pris la parole. Sarko est ce qu'il est, mais son discours était moins rasoir. Cela étant, Hollande a pris soin de modérer ses engagements. Le gars est prudent.
- Nous sommes bien contents d'avoir fait connaissance avec Thomas Hollande.
- Les journaliste, de politique, s'est transformé en journaliste sportif: "François Hollande monte dans sa voiture. Le cortège est à 17 km de Paris, 15, 10.."A vous Paris.
 - Ceux qui patrouillaient place de la Bastille n'interviewaient que des jeunes écervelés qui n'avaient rien à dire, à part, en gros, que c'était "super". Je crains que beaucoup n'aient été là que pour la musique gratos et pour "pécho".
Du coup, même si c'est un peu sévère, je nous passe un coup de Choron, tiens, ça détend:


Rendez-vous à la tirade de la minute 1.

- J'ai trouvé étrange de voir brandis des drapeaux algériens et d'autres que je n'ai pas identifiés.
- Décidément, je n'aime pas Martine Aubry.
- Ségolène faisait la gueule.

Hollande a du pain sur la planche. Il est courageux. J'espère qu'il sera à la hauteur de la tâche.
Avec tout ça, j'ai mal dormi.
La faute à la pleine lune, sans doute.



*Considéré comme un classique de la grande époque mythique du cinéma italien, le réalisateur Ettore Scola réunit le couple Sophia Loren/Marcello Mastroianni dans un film parfait de bout en bout. Filmé dans un lieu clos à la manière d'une pièce de théâtre, un immeuble en l'occurence, l'action se situe en pleine période mussoliniene, où la crainte et la délation terrorise le moindre comportement. Entre la mère de famille et l'homosexuel qui se retrouveront sur le toit de l'immeuble par le plus grand des hasards, se nouera une improbable mais magnifique amitié, que ni la concierge suspiscieuse et délatrice ou quelques personnages cachés derriere les portes de ce petit microcosme vivant dans l'immeuble, ne viendront ternir. Un film magnifiquement interprété, une bande son grouillante de cris et de bottes symbolisant l'effervescence extérieure. Derrière la grande histoire que tout le monde connaît se joue la petite de Scola, émouvante et parfaitement dialoguée.
Commentaire de Elriad sur AlloCiné.





16 commentaires:

  1. Une tranche de Choron "fumé",les quinquets du greffier et ton dimanche "sportif" je dois te dire que tu m'a tiré mon premier sourire de la journée, ouf! A 16h54.
    Bzzz...

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    1. Il ne faut jamais désespérer.
      Je suis toute réjouie de t'avoir diverti avec mes âneries.

      Bzou

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  2. Une plume cruelle, un brin nihiliste, de bien jolies images ... Bref une note délicieuse, bien que je n'y reconnaisse en rien mon dimanche, que j'aie choisi mon candidat et notre avenir.
    J'espère que l'école, les écoliers et leurs maîtres vont retrouver le sourire ... Si j'en crois Carl Rogers,des moyens sont nécessaires, mais aussi, un vouloir.
    Plein de bises amicales

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    1. Tu es pleine de délicatesse ladyapolline. Merci pour ton message. C'est vrai? Tu me trouves cruelle?
      C'est vrai que l'école est exangue. Pour autant, il va falloir jouer serré et trouver le juste milieu entre le sabotage et la logique purement budgétaire, et le pédagogisme échevelé et l'égalitarisme à tout crin.
      Un vouloir, oui. De la rigueur et du bon sens aussi.
      Pas facile...

      Des bises!
      Amitiés :)

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  3. Et c'est quoi ce quartier bien étrange où se côtoient des boulangeries hors de prix et des brocanteurs léninistes ?
    Choron : excellent :))
    ("...Petits merdeux") ah ah ah :))
    bonne journée.

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    1. Tu as vu ça? Qu'est-ce qu'il leur met Choron!
      C'est un quartier bizarre, hein?
      Paris est plein de surprises :)

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  4. Beau billet bien tourné. Bravo

    "...J'ai trouvé étrange de voir brandis des drapeaux algériens et d'autres que je n'ai pas identifiés.
    - Décidément, je n'aime pas Martine Aubry...."

    +1 tout pareil

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    1. Bonjour Killya,
      merci :)
      alors toi aussi?
      Nous allons voir ce que ça va donner maintenant.
      Notre sort est entre leurs mains.

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    2. "Soyons clairs. D'ailleurs je ne ressemble pas du tout à Sophia Loren. Voyez plutôt. "

      euuuuh ressemblerais-tu plutôt à la véritable Sophia Loren d'Une journée particulière?
      lol

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    3. Non!
      Je n'ai pas le type latin :))

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  5. T'étais où ? ben nous on a dormi après avoir passé la niot à jouer à la roulette en arrosant bien le tout et en se couchant à 5h...alors le dimanche fût commateux...ça nous a évité de voir les gogos s'agiter ! .joli billet , bisous

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  6. Merci Boutfilou!
    Ta méthode avait du bon. Tu vas faire pareil pour les législatives? :)
    Moi, j'étais devant la télé à dégoiser en bonne compagnie. J'aime autant te dire que j'ai soigneusement évité le centre de Paris pour rentrer chez moi.

    Bisous pareil

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  7. Une enseignante qui ne vote pas à gauche ? Vite, une dénonciation à l'inspection !

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