jeudi 14 février 2013

Envoie-moi au ciel

Je suis tombée en arrêt devant cette photo qui m'a ravie. Je ne sais pas qui l'a prise, ni où.
Elle n'en a que plus de charme.
Trois copines, plus vraiment des gamines, qui font les folles, jupes au vent et qui rigolent.



Dites, vous voulez bien jouer avec moi?

lundi 11 février 2013

La réforme Peillon vue de l'intérieur

Non pas que l'idée de revoir les rythmes scolaires soit une idiotie.
Halte-là! Je peux en témoigner. Tout le monde est d'accord là-dessus: six heures d'école, c'est trop long. Pas besoin d'avoir inventé la poudre pour s'en rendre compte.



Hélas, notre bon Peillon a eu envie de copier sur son petit camarade Sarkozy, qui crachait des réformes sans avoir en tête la moindre idée sur la façon de les appliquer.
C'est pourtant pas beau, de copier.


Donc, Peillon a décidé de passer à l'acte et de foncer. Hardi petit!
La journée de classe sera raccourcie. Dès la rentrée 2013.

Et là, tout étonné, il constate que les profs, au lieu de lui tresser des couronnes, ils renâclent.
A entendre ce qui se dit sur les ondes officielles, ces salauds de profs ne font rien qu'à embêter Monsieur le ministre, parce qu'ils ne veulent rien changer à leurs petites habitudes.
Ben voyons...

Alors, puisque les journalistes à la tête dure font semblant de ne rien comprendre, j'explique.
La journée d'un écolier français est faite de temps scolaire, six heures pour le moment, et de temps périscolaire: garderie, cantine, étude. Ce temps peut être long. Jusqu'à quatre heures EN PLUS du temps scolaire.
Oui, vous avez bien lu: certains mômes restent dix heures à l'école.

C'est bien pratique, le temps périscolaire, parce que ça permet à l'école de jouer un rôle dont personne ne parle jamais: celui d'une GARDERIE.
Je ne porte aucun jugement là-dessus, mais c'est une réalité qu'aucun ministre ne veut admettre. A croire qu'elle sent mauvais.

Revenons à nos moutons.

Peillon, qui n'a rien de plus urgent à mettre en place, veut faire la peau à la semaine de quatre jours. Prétexte officiel: les chronobiologistes pensent que c'est mieux qu'il n'y ait pas de rupture de rythme. En réalité, ils sont très partagés là-dessus et cette vérité toute puissante est fort discutée.
Prétexte officieux: gommer ce qui a été mis en place par le prédécesseur (et qui a fait plaisir à tout le monde) pour bien montrer que désormais, c'est lui le chef.
On ne m'ôtera pas de l'idée que la vraie motivation, c'est celle-là.

Alors, il fait d'une pierre deux coups: journées plus courtes et classe le mercredi matin. Bingo!

Pas bingo du tout. Pourquoi?

D'abord, la journée de classe va diminuer d'une demi-heure. Une crotte de lapin.
Ensuite, puisque les parents travaillent et qu'ils ont besoin d'une garderie d'un temps périscolaire de qualité, la journée des pauvres biquets va parfois être rallongée! Eh oui! A cause du temps de midi qui va s'allonger. Les moins bien lotis font se farcir non plus dix heures, mais onze heures d'école! Surtout quand on sait ce que c'est que le "périscolaire de qualité": des gens recrutés à la va comme je te pousse, parce que c'est mal payé, les emplois du temps mal foutus et neuf fois sur dix, c'est désastreux.
Alors les prétextes à la sauce chronobiologique, ils sentent la tartufferie à des kilomètres.
Quant à moi, je pressens que dès le jeudi matin, à ce rythme-là, les élèves vont ressembler à des zombies.

Pour que personne ne m'accuse de parti pris, je m'en vais prendre l'exemple de mon école.
Ça va être un peu technique.  Rendez-vous dans quelques lignes en cas d'allergie aux détails techniques.
Classe de 9h à 16h30 (au lieu de 8h30-16h). Temps passé à l'école: PAREIL!
Temps de cantine: 2h (au lieu de 1h30). Trop long 2h. Les mouflets vont s'entretuer...
Garderie du matin: 7h30-9h (au lieu de 7h30-8h30). Etude: 16h30-18h (au lieu de 16h-17h30). Le "périscolaire de qualité" s'allonge! Quelle chance!
Et le mercredi: 2h de classe pour tout le monde + 1h d'aide personnalisée (concerne quatre à cinq élèves par classe).
Conclusion: Cinq jours d'affilée, 5h30 de classe par jour, sauf mercredi 2h à 3h, au régime minimum, 10h30 au maximum. 2h dehors tous les midis (180 mômes, un préau minuscule).
Maintenant, je pose la question: où iront les enfants dont les parents travaillent le mercredi, après leur deux heures de classe? Motus là-dessus.

Bien évidemment, on ne touche ni aux programmes gonflés à bloc, ni aux sacro saintes vacances. D'ailleurs, les professionnels de l'hôtellerie n'ont même pas été conviés à participer aux réunions préparatoires à cette réforme "en profondeur".

Vous me direz, qu'est-ce qui oblige les écoles à mettre cette réforme en application? Après tout, on ne va pas leur envoyer la maréchaussée!

L'argent.

Les communes qui acceptent de mettre en place le bazar toucheront une subvention de 80€ par élève + 40€ pour les communes rurales ou si elles sont éligibles à la DSU (dotation de solidarité urbaine).
En 2009-2010, la France comprenait 6 647 091 écoliers . Si on considère, à la hache, que trois millions seront concernés, ça nous fait tout de même une jolie petite ardoise.
Celles qui refusent ne bénéficieront plus d'aucune subvention pour le financement des activités périscolaires. Ça amortira une partie de l'ardoise.
Conséquences: une commune en faillite, telle que Sevran, ne peut pas refuser. Combien vont être ainsi acculées, sous la contrainte?

Voilà un moyen bel et bon de lancer une réforme.
Nul doute que la fin justifie les moyens.
Dans l'intérêt de l'enfant.










mercredi 6 février 2013

Jury d'assises - Quand c'est fini.

Me voilà définitivement revenue d'entre les juges et les condamnés.
J'ai beau être solide, j'ai mis quelques jours à m'en remettre.
Je m'en vais donc livrer ici quelques conseils de baroudeuse et quelques souvenirs marquants. On ne sait jamais, ça peut vous tomber dessus un jour.

Comment garder la santé?

Pour commencer, j'ai dormi, dormi et dormi encore, d'un sommeil plein de rêves bizarres.

Conclusion: une session d'assises, ça fatigue son juré.
C'est exténuant de rester assis et impavide des heures durant, sans boire, dans un tribunal surchauffé. Avec ça, hors de question de rêvasser: tout, absolument tout doit être entendu et digéré.

Conseil, si ça vous arrive: dormez la nuit, mangez sainement, ayez toujours de l'eau à disposition dans la pièce derrière et faites des génuflexions ou les pieds au mur dès qu'on vous donne l'autorisation de vous débrailler un peu. Eventuellement, prenez des vitamines. 

Comment je suis devenue juge? 

J'ai observé qu'il n'était pas si facile de se détacher de ces vies fracassées qui viennent s'échouer là, sous nos yeux, offertes.
Pendant des journées entières, il nous a fallu TOUT entendre et tâcher de comprendre. Quand je dis "tout", c'est "tout". Les magistrats ne font pas dans l'approximation: ils veulent connaître les plus petits détails et appellent un chat un chat. Le temps est compté.
Alors, quand il s'agit de s'assurer de ce que l'accusé entend par "fellation", "sodomie", "craquement" (d'une côte tranchée au couteau), ils n'y vont pas par quatre chemins.
S'il faut regarder les photos de blessures mortelles, pour entendre clairement ce que vient de détailler le médecin légiste par le menu, on les regarde.
Quand un accusé s'écroule et demande pardon, dans un silence de mort, à la mère de celui qu'il a tué, pas question de s'attendrir. Sincère ou pas, il a tué néanmoins et il faudra le juger sans s'émouvoir. Sur des faits et des certitudes. Or parfois, souvent, c'est impossible d'être tout à fait sûr. La certitude absolue n'existe pas. Il convient alors de s'en approcher au plus près, et c'est comme ça que l'une des délibération a duré jusqu'à minuit passé (d'où l'intérêt des vitamines).

Quand un autre, engoncé dans ses contradictions, tutoie le président du tribunal, s'estime lésé par le dédommagement accordé à une précédente victime et la menace ouvertement de représailles, et se met à invectiver ses victimes présentes en les traitant de "bouches à pipes", surtout ne pas rire. Ne pas sourciller. Difficile de ne pas ensuite considérer celui-là comme une ordure irrécupérable, même si on en a très envie.
Car, quand arrive le moment de décider d'une peine, on tient le sort d'un homme entre nos mains. Et même si cet homme a commis un crime, à ce moment-là, on est face à sa conscience. Bienheureux sont les jurés d'aujourd'hui, qui ne condamnent plus à mort.
Il faut tâter la qualité du silence lorsque vient le temps de dire à quelle peine on pense. Le premier qui se lance est accueilli comme le messie, parce qu'il libère les autres.

Conclusion: lors d'une session d'assises, on touche le fond. On entend des choses terribles. Il est important de se cuirasser, sinon, c'est insoutenable. On n'est pas là pour sangloter en se mouchant, on est là pour juger. Et puis tout le monde vous regarde.

Conseil 1: parler. Pas besoin d'aller raconter le détail de ce qui s'est passé dans la salle des délibérés (secret total là-dessus) pour se soulager l'âme. J'ai soûlé tout le monde avec mes histoires de tribunal pendant quinze jours et c'est comme ça que j'ai tenu bon.

Conseil 2: si ça ne va vraiment pas, ravalez votre fierté et dites-le au président du tribunal. Il est assez aguerri pour se rendre compte qu'un juré qui craque ne donnera rien de bon. Il vous dispensera et nommera à votre place un des deux jurés remplaçants, toujours tirés au sort si une affaire dure plus d'une journée, au cas où.
Nota bene: un président de tribunal est un fin connaisseur de la psychologie humaine. Alors n'espérez pas non plus le filouter pour aller baguenauder pendant que les autres se farcissent les rapports de flics ou les énième témoin: c'est perdu d'avance.

Comment j'ai découvert la scène et les coulisses d'un monde?

Le déroulement d'un procès, c'est un vrai cérémonial. Le décor rappelle un temple protestant, austère, nu et vaste. Les affûtiaux de magistrats les rendent aussi lointains et théâtraux que des semi-divinités.



Les us et coutumes de l'endroit renforcent encore l'impression de distance: le moindre échange de paperasse est ultra-codifié, on parle un français d'une correction et d'une précision admirable (effet de contraste avec le français du commun des mortels), on se lève comme à la messe quand la cour se présente ou s'en va. Les uns et les autres prennent la parole dans un ordre précis...
C'est ainsi que face à cette impressionnante machinerie, nous avons vu un témoin, caïd muré dans une omerta de bon aloi, se décomposer doucement. Transpiration, tics nerveux et finalement, il a été trahi par des mots. Ils ont fusé malgré lui.
Et quand deux avocats se prennent le bec, on a beau savoir que c'est du théâtre, ça se laisse regarder.

Les coulisses, c'est autre chose. Les demi-dieux redeviennent des hommes. Ils vont aux toilettes, boivent du café. Les toges tombent. Ils nous expliquent où sont les bons restaus et comment accéder au coin des micro-ondes sans se munir d'un fil d'Ariane. Un vrai poème, les sous-sol du tribunal.


Suivre semblables affaires crée des liens et il est étonnant que très vite, les magistrats nous considèrent comme des leurs. Nous voilà rendus à partager souvenirs et anecdotes, et à rigoler franchement.
Je donnerai cher pour revoir le président, dans sa toge rouge, imiter des accents bigarrés pour rendre plus vivantes certaines de ses histoires.
Ces gens ont des horaires de forçats. En réalité, il n'ont pas d'horaires. J'ai été stupéfiée de leur conscience professionnelle, de leurs qualités humaines, dans de pareilles conditions de travail. Chapeau.

Les avocats, c'est autre chose.


Je les ai observés de plus loin. Une chose est sûre: parmi eux, il est de véritables génies. J'ai eu la chance d'assister à une plaidoirie absolument renversante.
Il existe aussi de parfaits plumitifs. Celui d'un des accusés était d'une nullité si crasse, d'une telle ignorance des lois et des règles, d'une telle absence d'humanité, que nous -jurés professionnels et simples mortels- nous sommes ensuite demandés d'où il tenait son diplôme. Il a passé son temps plongé dans son dossier que visiblement, il découvrait et le client a fini par prendre en main sa propre défense. Bien lui en a pris.
J'ai gardé en mémoire le nom de ce désastreux personnage pour le fuir.
Celui du génie flamboyant aussi, je l'ai gardé en tête, si d'aventure je dégomme mon voisin.

Conclusion: les magistrats sont plutôt des gens bien, mais aussi des maîtres du décorticage. Quant aux avocats, méfiance. Surtout s'ils font beaucoup de pub sur le net.

Conseil 1: Si un jour, vous faites une grosse bêtise, jouez franc jeu d'emblée. Allez chez les flics et déballez le morceau tout entier. Tout va être consigné, analysé, recoupé et si quelque-chose cloche, vous êtes à peu près certain de vous prendre les pieds dans le tapis (et quelques années de plus).

Conseil 2: Le jour où vous recevrez votre convocation pour être juré d'assises, réjouissez-vous plutôt.

Si c'était à refaire?

Oui

Ça en vaut la peine. A condition de connaître ses limites.