dimanche 30 avril 2017

Les rouleaux à impressions: quand les gâteaux deviennent des oeuvres d'art

Regardez-moi ça.
Ça se mange.



Et il y en a encore pas mal comme ça.

J'ai choisi des motifs traditionnels, devinez d'où?



        
De Russie.


J'ai réalisé ces merveilles grâce à des rouleaux de bois décorés, achetés à Vera Boukreieva.
Elle habite à Astrakhan et fabrique des empreintes en bois absolument magnifiques.

Voilà mes rouleaux, arrivés en une semaine après une commande par internet (non, je ne suis pas allée exprès à Astrakhan les chercher. C'est loin, Astrakhan! Sur l'embouchure de la Volga, au bord de la mer Caspienne: 4000 km tout de même).




                                         Et le détail:


Vera fournit des recettes sur son site. J'ai essayé celle des biscuits blancs. Il y en a d'autres: ici, c'est en russe. Attendez un peu que je teste les deux autres recettes et je les publierai en français. Comme celle-là, que j'ai un peu modifié.





BISCUITS BLANCS
200g de beurre
200g lait condensé sucré
 1 jaune d'oeuf
              3 bonnes cuillères à soupe de sucre glace
         1 sachet de sucre vanillé
          100 g de fécule de pommes de terre
    300g de farine


Mélanger le beurre mou et le lait concentré. Ajouter le jaune d'oeuf, puis le sucre glace et le sucre vanillé. Ajouter petit à petit, en touillant à la fourchette, les farines préalablement mélangées. On obtient une pâte lisse et compacte. Laisser reposer une heure au frais.

Huiler légèrement le plan de travail et le rouleau.
Etaler la pâte au rouleau normal à 5mm d'épaisseur. Repasser le rouleau décoré dessus en appuyant suffisamment pour que les motifs s'y gravent bien. Découper et placer sur une plaque recouverte de papier sulfurisé.

Cuire une dizaine de minutes à chaleur tournante: les gâteaux ne doivent pratiquement pas se colorer.

De fait, l'impression sur la pâte se fait très facilement.
Si besoin, ensuite, les rouleaux doivent être brossés et si rincés uniquement si c'est nécessaire. Dans ce cas, il faut les essuyer soigneusement et les huiler très légèrement pour les protéger. Je n'ai pas rincé les miens.

Et maintenant, je me déguste un de ces petits gâteaux en sirotant mon café, en compagnie de mon azalée qui est de bonne humeur.





 

samedi 15 avril 2017

Le temps est venu de décorer les oeufs

Et voilà, c'est presque Pâques. La fin du Carême, l'heure de s'empiffrer de bestioles en chocolat, le retour des vacances, le printemps, la résurrection du Christ. Chacun l'interprète à sa convenance.

Le point commun dans tout ça, ce sont les oeufs.
De préférence des oeufs blancs.

Les miens ne sont pas en chocolat, mais vrais de vrais, destinés à être mangés. Voilà pourquoi je les teinte de préférence avec du végétal consommable.

                                                          Des pelures d'oignon:



                                                           Des pelures de chou rouge:



La technique est simple. On fait cuire ensemble une dix-quinze minutes oeufs et pelures d'oignon (ou chou émincé) dans un peu d'eau et une lichette de vinaigre, et on laisse refroidir le tout. Ensuite, on extirpe, on essuie et on oint avec un tampon d'huile.

Ça, c'est la base.
Elle ne demande qu'à être un peu enjolivée.

Une technique simple, en usage dans les Balkans, agrémente l'oeuf teint d'un motif végétal. Traditionnellement, il est imprimé sur fond rouge.



Pour cela, il faut prélever une petite feuille propre dans la nature. Evitons les bords de routes ou les crottoirs maculé, je vous prie. L'oeuf doit arriver comestible dans la bouche de l'heureux convive.

La feuille est insérée contre l'oeuf et coincée contre sa coquille à l'aide d'une extrémité de collant fin (et propre), bien serrée et refermée à l'aide d'une ficelle. Tout l'art consiste à ne pas chiffonner la feuille pendant la phase de serrage. Ensuite, c'est pareil qu'au début: cuisson dans les pelures d'oignons. Quand c'est refroidi, on enlève collant et feuille: le motif apparaît. Plus le collant était serré, plus l'impression est nette.

Viennent ensuite les techniques d'impression à la cire chaude et là, ça vire sérieux. Le musées expose ces oeufs-là, des spécialistes subventionnés par les services culturels transmettent leur savoir aux enfants des écoles. Ça se vend, même!
Je me suis envoyée je ne sais combien de vidéos en polonais, en russe, en serbe et même en slovaque, pour tenter de percer tous ces mystères.
J'ai finalement retenu deux techniques.

La virgule de cire


En usage entre la Pologne et la Slovaquie, elle est assez simple. Le matériel aussi.

Il faut planter une épingle à bout rond dans la gomme d'un crayon à gomme qui sert de support. Le bout rond est trempé dans la cire chaude d'une petite bougie plate (celles qu'on utilise pour maintenir les plats au chaud) et hop! une virgule sur l'oeuf. Le geste s'attrape facilement et le résultat est sympathique.
Quand l'oeuf est décoré, il reste à le plonger dans une décoction vinaigrée de pelures d'oignons ou de choux et à attendre qu'il se teinte. La décoction peut être chaude, mais pas bouillante. Sinon, la cire fond. C'est bêta.
Pour enlever la cire ensuite, l'oeuf est approché de la flamme d'une bougie pour que la cire fonde et essuyé avec un sopalin.

La plume

En usage en Serbie et en Roumanie, cette technique est plus exigeante, mais ses possibilités sont infinies.

Il faut commencer par se bricoler l'outil:
- une plume d'écolier bien creuse. J'ai surcreusé la mienne en la pinçant fort.
- un manche de bois. J'ai utilisé un morceau de vieux tuteur de jardin. Une baguette chinoise fait l'affaire aussi. N'importe quel bout de bois, en fait.
- du fil de fer fin.
- de la cire d'abeille.
- une bougie.

Avec la cire, on se confectionne une grosse boulette, qu'on se fixe sur l'ongle du pouce gauche si on est droitier (et inversement dans le cas contraire). Pour se faire, il suffit de la passer sur la flamme de la bougie et de se la coller sur le pouce aussi sec. Ça ne brûle pas.

Le matériel pour les deux techniques:



C'est là que le boulot commence: un peu de cire est picorée avec la plume, chauffée très vite et déposée sur l'oeuf (encore tiède, idéalement) aussi rapidement que possible. Il faut faire des allers-retours permanents entre la flamme, la plume et la cire en dosant pour éviter les taches et les pâtés. Au pire, c'est toujours possible de gratouiller pour effacer les catastrophes.

Pour ce qui suit, c'est le même topo: les oeufs ainsi décorés prennent un bain vinaigré de teinture et la cire est ensuite éliminée à la flamme.


Rien n'empêche de mêler les deux techniques. Allez zou! Mélangeons allègrement le Polonais au  Serbe et c'est parti!


Dans l'enthousiasme, j'ai testé une technique venue des USA. C'est une manière intéressante de réutiliser les vieux foulards de soie.

Elle consiste à envelopper serré l'oeuf dans un chiffon de soie à motifs. A re-envelopper le tout dans un chiffon fin blanc pour que tout ne s'entreteinte pas. On met les oeufs duement emmaillotés dans l'eau froide vinaigrée, on fait bouillir une quinzaine de minutes et on laisse refroidir.
Le motif du foulard se sur-imprime sur l'oeuf et ça peut être assez joli.

                                                  On dirait un vieux marbre italien.


Et voilà ma couvée de Pâques!
Joyeuses Pâques à tous!



samedi 8 avril 2017

Mon jardin de balcon

Pendant plus de vingt ans, j'ai vécu avec un jardin.

Deux jardins, en réalité, parce que j'ai déménagé. A chaque fois, il m'a fallu le recréer de fond en comble, pour qu'il vive sa vie gentiment. Je ne le conçois pas comme un espace végétal forcé, où les plantes sont installées là parce qu'elles décorent, à grand coups de produits chimiques dans le fondement. Le jardinier passe son temps à batailler contre maladies, insectes ravageurs, mauvaise volonté des plantes qui crèvent ou ne poussent pas. Pas mon truc du tout.

Et puis, j'aime les oiseaux, les hérissons, les petites bestioles qui trottinent et buzotent partout.
Si les plantes se sentent bien, moyennant une surveillance tranquille des mauvaises herbes, elles se développent comme il faut et le jardinier n'a plus qu'à les regarder feuiller, fleurir et odorer.
Il convient donc de choisir les espèces adaptées au lieu et pas l'inverse.
Les plantes, ça s'invite.
Ça ne s'impose pas.

 Et puis j'ai déménagé à Paris.

J'ai laissé mon jardin bruissant et décidé de reconstruire un petit espace feuillu sur mon balcon. Comment passer de 300 mètres carrés en pleine terre à un lambeau de béton exposé plein nord?

J'ai trimballé pas mal de choses du jardin jusqu'ici: de la terre, des pots, des plantes costaudes: campanules des Carpates qui attendent de fleurir,


aspérules, valériane, passiflore, des boutures de chèvrefeuille (là-bas, tout au fond) qui ont bien grandi,

 le fuschia magellanica riccartonii (il se refait une beauté après le gel de l'hiver), des bulbes de tulipes et de narcisses,


des iris de Sibérie, des framboisiers, des géraniums sauvages,


des heuchera,


muguet, diverses graminées... Là, je parle de tout ce qui tenu le coup. Même l'azalée a déménagé.


J'ai acheté quelques giroflées, deux rosiers d'ombre, des clématites dont une seule a daigné s'installer,
 investi dans un mini composteur de balcon et je bichonne tout ce qui y vit, même les limaces.


L'ortie n'a pas été chassée: elle attire les papillons et ses graines, mélangées à du miel, sont (paraît-il) aphrodisiaques. Et puis j'aime bien la dentelure des feuilles.
L'hiver, je drape mes petites plantes dans des voiles de protection.
Je surveille que l'eau ne stagne pas trop longtemps au pied, l'été, j'arrose beaucoup.
Au printemps, je rempote, je transplante, je donne des becquées de compost...les plantes en pot sont beaucoup plus fragiles, il faut vraiment les bichonner.

Moyennant quoi, tant bien que mal, mon jardin de balcon existe et se développe doucement. Un merle et des mésanges me rendent visite de temps en temps et les corneilles, qui sont des habituées, viennent me réclamer leur petit-déjeuner quand j'ai un peu tardé à leur laisser les reliquats de viande. Les escargots se planquent sous les poireaux que je laisse par terre en attendant de faire de la soupe. Mon compost est plein de fourmis et de vers de terre.

Mon jardin de balcon vit et c'est un petit miracle.






mercredi 5 avril 2017

Et un durian pour le dessert! Un!

Je reviens tout juste du quartier asiatique, du côté de l'avenue d'Ivry, où je suis allée faire quelques emplettes.
J'aime beaucoup ce quartier.
Pourtant franchement, il est moche. Des tours qui vieillissent mal, du béton, ce qui reste de bicoques et de petits immeubles fait gavrocheux. Mais ça grouille de vie et de boutiques de boustifaille, les gens tapent la discute dans tous les coins et même assis au pied des arbres. L'ambiance est détendue et sympathique et ça rattrape les égarements des architectes.



J'y vais souvent pour acheter des victuailles introuvables ailleurs. Par exemple les desserts viet-namiens à la châtaigne d'eau, lait de coco et aux feuilles de pagan. J'en raffole. La plupart des Européens que j'ai essayé de convertir à cette merveille ont eu l'air dégoûtés, les pauvres ignorants.


On trouve aussi du durian.


Je suis passée tout à l'heure devant un magasin qui en vendait des montagnes. Rien que pour voir et humer ça, le coin mérite le détour.
En outre, il faut avoir fait l'expérience de ce fruit dément au moins une fois dans sa vie.

Attendez que je vous raconte.

D'abord, partout dans les boutiques, il est question de durian. Gâteau au durian par-ci, biscuits au durian par-là, crème au durian et j'en passe. C'est visiblement le fruit roi.
Alors l'an passé, malgré le prix élevé (autour de 20 euros le kilo tout de même), j'en ai acheté un. La caissière a pris la peine de me glisser qu'il fallait attendre quelques jours avant de le déguster. Très bien. Je l'ai donc posé sur le balcon, encore tout emmitouflé dans son emballage tressé. Oui, parce que sinon, pas moyen de le manipuler: le durian est gros, pesant et hérissé de pointes qui entament les mains.


Au bout de quelques jours, une odeur pas désagréable, mais assez violente s'est dégagée du fruit: un mélange de fruit de la passion, de chou et de je ne sais quoi encore. En tout cas, ça sentait.
Il était à point, les lobes piquants commençaient à s'entrouvrir.
Je n'ai eu qu'à les écarter pour qu'ils révèlent un intérieur fait de compartiments emplis de sortes de sacs mordorés, contenant tous une chair pâteuse, compacte, assez poisseuse et agressivement parfumée.

Mon cher et tendre est un gourmand qui ne craint pas de tester de nouveaux goûts. Il était là, les papilles frémissantes, impatient de déguster enfin ce fameux fruit. J'ai plongé une cuillère à soupe dans cette chair opulente pour lui en servir le contenu et j'ai fait de même pour moi.
Et là, quelque-chose d'extraordinaire s'est produit:
Le premier goût est plutôt agréable. Un peu de mangue souffrée, de fruit sec, de champignon et un soupçon de céleri, le tout mis en valeur par une consistance de chair d'avocat douçâtre très, mais alors TRES riche. On avale et on en reprend une autre, curieux de tester plus avant, parce le goût est tout de même complexe.
Seulement en même temps, le deuxième goût de ce qui vient d'être avalé se déploie en queue de paon et on ne s'y attend pas. Il vous prend par surprise alors que la deuxième bouchée est en route et là, ça fait drôle, parce que ça ressemble beaucoup à de l'oignon pourri, en plus nuancé. Non pas que j'aie une expérience très approfondie du goût d'oignon fermenté, mais j'en ai senti et on est dans le ton. Et puis évidemment la queue de paon continue à déployer ses charmes et à l'oignon pourri succède une déclinaison variée de goûts qui tous, évoquent quelque chose de soufré qui fermente. C'est un goût passionnant, mais qui exige une certaine résistance à l'envie de vomir.

J'ai réussi à terminer ma cuillère, mais la dernière bouchée a été difficile.

Mon mari chéri, lui, n'a pas pu, malgré sa bonne volonté. Pourtant, il a un estomac d'autruche.
Il s'est d'abord précipité sur le riz pour éteindre ce goût traître. Puis il a vidé le pot de cornichons pour le noyer dans un bain d'acide.
Quant à moi, j'en a repris le lendemain, ça passait déjà mieux.

Mais le reste du fruit a fini au congélateur, emballé sous plusieurs couches de plastique hermétique. Malgré cette précaution, il a entrepris de le parfumer  et avec lui, la cuisine.
Alors je l'ai enfoui au fond de ma plus robuste boîte tuppermachin, celle qui résiste à tout. Moyennant quoi, mon congélateur ne sent plus le durian.

Il paraît que chaque année, dans le beau pays du durian, à la saison idoine, les gens se précipitent pour en acheter, tellement ils en sont fous. J'ai même découvert que parmi les plus intoxiqués, certains faisaient de overdoses de durian et passaient l'arme à gauche.

En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il ne faut en aucun cas associer ce fruit fou à l'alcool. Le foie lâche, tout simplement.

Dire que les étrangers se pincent le nez à l'évocation du camembert...