jeudi 26 avril 2012

Voyage au bout des stages de remise à niveau

A la rentrée 2008, Monsieur Sarkozy encore tout frétillant dans ses nouvelles fonctions nous annonçait tout plein de mesures enthousiastes pour l'école.
Grasse mat les samedis matins: les gosses allaient travailler moins, les parents auraient leur week end tranquille et par la même occasion, les maîtres d'école aussi. Merveilleux!

Merci Reiser!

Pas question pour autant de laisser sur le carreau les "élèves en difficulté". Monsieur Sarkozy aime les défis et les effets d'annonce. Donc ce dispositif de grasse mat un peu démago allait donner lieu à une autre riche idée encore plus démago et compensatrice de liberté saturnale: l'"aide personnalisée" dispensée aux élèves en difficulté.
Les mouflets concernés allaient être pris en charge deux fois une heure par semaine pendant les journées de classe. Les chronobiologistes sont formels: 6h d'école et plus avec le temps de cantine, c'est pas assez.
Autre défi dont Sarkozy a le secret: caser le même programme déjà costaud sans les samedis matins, avec des classes pleines comme des oeufs éventuellement agrémentées de loulous au comportement troublé.
Quelque part à l'Elysée, un conseiller lucide a dû dire à Sarko que ce cocktail-là risquait de sentir le Molotov assez rapidement.
D'où l'accouchement de l'idée qui tue et met tout le monde d'accord:
les stages de remise à niveau pendant les vacances!

Voilà ce qu'on dit aux parents: "Vos mômes vont être pris en charge par des profs volontaires et très pédago. Ça va être super et en plus, c'est gratos".
Le parent alléché: "Pourquoi ne pas tenter. Et toujours ça de gratté sur le centre aéré."

Voilà ce qu'on dit aux enseignants: "boulot facile en petits groupes de cinq enfants maximum, payé en heures sup 360€ pour 15h et exonéré d'impôts".
Le prof appâté:"360€??? C'est grassement payé et si en plus c'est facile..... Je vais enfin pouvoir me payer le dernier Mac Book Pro/ la guêpière "Soir de Venise"!"

Sarko a réponse à tout.

Cette année, bien que peu convaincue par ce gavage en règle, j'ai cédé au chant des sirènes et je me suis portée volontaire. J'avais besoin de sous (pas pour me payer une guêpière, soyons sérieux).

Je fus édifiée.

Les convocations furent délivrées aux familles juste une semaine avant le début du stage. Certaines ont annulé leurs vacances pour offrir ce soutien à leur enfant. Pauvres gens....
Des enseignants, on fit encore moins de cas: convocation quatre jours avant le démarrage sur le temps de midi. A peine une heure pour découvrir les difficultés des "stagiaires", former les groupes, manger.....on n'a pas mangé.
Ce fut épique, car nous découvrîmes à cette occasion qu'en plus des CM1 et des CM2, on avait accepté les CE1...sans savoir combien d'enseignants se porteraient volontaires. Résultat: de cinq maximum, les groupes sont passés à sept, huit, voire dix!
Piégés comme des bleus, on a commencé à regretter.
Trop tard.


Le stage nous a laissés sur le flanc.
Trois heures en petit comité chaque matin de 8h30 à 11h30, avec quinze minutes de pause en tout et pour tout, c'est lourd. Pourquoi lourd? Parce que d'abord, il faut se lever alors qu'on est claqués. Ça, d'accord, ça faisait partie du contrat, alors on n'a pas râlé.

Ensuite, la moitié des mômes ne voulait absolument pas venir à ce stage de malheur. Ils préféraient dormir et on les comprend.
AP* + stage + six heures de taule par jour = C'EST TROP!

Un bon tiers ne relevaient pas de ce dispositif: non-lecteurs, agités chroniques, pourrisseurs de vie, handicapés légers, absentéistes... il a bien fallu les prendre quand même.

Compte tenu de la non-organisation, un jeudi midi sur un coin de table vite fait et l'estomac vide, à trier les mômes au pif tellement il y en avait, pas facile de programmer un boulot construit.

Moi, j'en avais sept: cinq mimis et deux pénibles. Une grande peste à la langue trop longue dont l'occupation principale consistait à se payer la fiole des autres. Un pauvre gosse déjà revenu de tout, un révolté, qui ruminait sa désespérance. Un costaud susceptible aussi qui, en cas d'affront, le lavait d'un coup de poing ou d'un jet de projectile. C'était imprévisible.
L'association de la grande niaiseuse et de l'autre n'était pas très judicieuse: ils se chauffaient tous les deux et le dur aurait fini par lui mettre une peignée. Le dernier matin, après avoir tenté de travailler, calmé l'irrascible qui avait déjà jeté deux fois son gros feutre à la tête d'un autre et voulu se rouler en boule à terre pour manifester sa colère, j'ai fini par improviser une séance de théâtre: ils n'en pouvaient simplement plus.

Conclusion de ce stage: ça ne sert strictement à rien, surtout si les enfants sont récalcitrants. Ce n'est pas en une semaine qu'on va rattraper des mois, des années de décrochage. Les gosses ont besoin de leurs vacances et entreprendre d'en faire du foie gras est inutile et douloureux.
Je ne sais pas comment ça se passe ailleurs, mais chez moi, une chose est sûre, c'était le foutoir.
Alors si des parents me lisent, ne croyez pas un mot de ce que l'éducation nationale vous raconte: les enseignants volontaires, la remise à niveau miraculeuse, la joie et la bonne humeur, l'organisation dentelée au millimètre... c'est du baratin!



La vérité, c'est que l'éducation nationale a le nez morveux et veut se racheter une conscience.
Les volontaires ont tout bonnement besoin de fric, sinon ils n'iraient pas.
Les enfants souffrent de ne pas pouvoir se reposer comme ils le méritent. Qu'on leur foute la paix en période de vacances et qu'on leur offre ce dont ils ont besoin le reste du temps: une école qui fasse son boulot.


*Aide personnalisée, en jargon.







15 commentaires:

  1. n'étant pas pédagogue je ne sais pas si ce que vais dire est une co... bêtise sur l'emploi du temps de ce samedi matin l'association enseignants/élèves ne bénéficierai-t-il pas de la présence de parents ou grands-parents volontaires pour qu'une stabilité s'établisse entre enseignants et élèves.

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    1. L'idée est bonne et généreuse. Mais ça ne marcherait pas: on n'a pas le droit de faire entrer les parents ou qui que ce soit dans les classes comme ça....à cause de questions très tordues de responsabilité. Et puis beaucoup d'enseignants verraient ça d'un mauvais oeil: nombreux sont ceux qui s'enferment dans leur classe comme dans un blocaus.

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  2. Je suis copine avec un Monsieur qui s'appelle Gilbert Longhi. Tu vas trouver plein de choses à son sujet sur la toile." L'Education Nationale " en soi, je ne sais pas qui c'est. Je sais qui sont les Ministres ... il y a eu quelques très bons et hélas tous les autres. Je partage entièrement ton avis : on ne rattrape pas des années en une semaine. La notion de "rattrapage" est une ânerie. Edifiée sur une légende, elle permet à des "boites à bachot" de se faire beaucoup d'argent. Le travail de l'enfant, c'est de jouer. Je suis fan de pédagogie active : un enfant peut parcourir un monde en un jour si cela vient de lui. Toutes les pressions, tous les "rattrapages" ne sont que des violences qui lui sont faites uniquement pour rassurer ses parents et ses maîtres. Un cerveau d'enfant n'est pas un champignon de voiture : tu ne le fais pas marcher en appuyant dessus.
    Plein de bises

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  3. Ca craint ! Luc Chatel panique car on a admis pour la première fois que le niveau des élèves français avait considérablement baissé depuis 25 ans, soit toute une génération. Une première ! Je pense que ce replâtrage pédago-fumiste des vacances est un symptôme du mouvement de sauve-qui-peut général qui va s'amplifier face à l'écroulement de la Baraque, au milieu de tout le reste, d'ailleurs.

    Le travail de l'enfant c'est d'apprendre. Il y a des heures pour apprendre où on ne joue pas ! Ce qui ne veut pas dire que cela doit être ennuyeux, mais il faut apprendre également à se discipliner. Il y a des heures où l'on s'amuse, donc on n'apprend pas forcément, mais on doit s'éclater.

    La fumisterie grasse a été de faire croire aux enfants et aux parents qu'on pouvait s'instruire sans se donner de mal, que c'était la grosse éclat'genre Parc Astérix, tous dans l'Oxygenarium ou sur la Rivière du Styx. Chacun y' fait ce qui veut. A bas l'Instruction Publique et facho du Père Pétain !

    Résultats des courses : remise à niveau pour tous, bandes de feignants !

    N'oublions pas qu'il y a des enfants sur cette terre qui n'ont d'autre choix que de bosser comme des esclaves pour bouffer au moins une fois par jour !

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    1. Il y a dans cette idée de rattrapage comme un relent de péché originel. Comme si les mômes devaient expier les conneries des grands. Pas glorieux et inefficace au possible.
      Maintenant que j'ai vu ce que c'était, je n'inscrirai plus jamais un seul gamin à cette mascarade.

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  4. On passe tellement de temps à des choses "inutiles" qu'il faut rattraper ensuite.
    C'est complètement nul !!!

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    1. De plus, c'est parfaitement contre productif.
      Nous somme bien d'accord.

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  5. Je vais radoter par rapport à mes précédents commentaires, mais tant pis. Le temps passé à faire de la propagande écologiste, multiculturelle et économique (l'enfer est caché dans les leçons de "géo" de CM2) n'est plus passé à faire du français, du calcul et de l'histoire et géographie "de base". Savoir où sont les montagnes et les fleuves, c'était déjà pas mal non ?
    On apprend le superflu à la place de l'essentiel. Et pour ceux dont les parents n'ont pas le temps de réparer les dégâts, il y a les stages de remise à niveau.
    ps: cela semble charmant "soir de Venise", Madame a bon goût !

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    1. En 1968, on a utilisé l'Education Nationale comme camp de rééducation pour le combat post soixante-huitard contre le capitalisme réactionnaire selon la dialectique marxiste des mouvements gaucho de l'époque. Qu'importe que les gosses sachent lire et écrire, à partir du moment où ils peuvent réciter les slogans de la nouvelle idéologie qui gomme l'ancien monde au profit d'un délire mondialiste où on confond volontairement solidarité et collectivisme, culture avec propagance et frontière avec barbelés. Ces crétins de gauche qui se gargarisent de sujets porteurs font le lit des mêmes crétins en face qui eux se gargarisent de consommation. Plus les gens sont cons et plus ils accepteront sans réfléchir ce qu'on leur proposera...qui'disent.

      Tant qu'on contrôlera cette génération avec le dernier joujou à la mode...

      Le problème, c'est que les crétins des deux bords sont en train de s'apercevoir qu'ils ne contrôlent plus rien...surtout pas une horde d'illettrés pas aussi débiles qu'il paraissait au premier abord, revendicateurs, armés et qui se rendent compte qu'on ne leur fera jamais une place s'ils ne la prennent pas eux-mêmes par la force !

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    2. @ Juntos, et moi alors? je radote pas avec mes râleries scolaires? T'inquiète pas va. tu es le bienvenu ici.
      Les inspecteurs et pédagogues t'objecteront que le français, tu peux aussi bien l'enseigner en faisant de la géo ou de la gym. Pour ça, ils te dégaineront le mot magique: TRANSVERSALITÉ!
      N'es-tu pas terrassé?
      PS; Soir de Venise, c'est très..vénitien :)
      @ lecanasson, certes, le risque est grand que la horde d'illettrés leur déferle dessus comme les Barbares sur l'Empire romain. Ça va saigner!

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  6. bon c'est plutôt "technique" pour moi vos visions de l'enseignement en "primaire". Je me souviens de l'époque où la méthode globale était en opposition avec la syllabique (les termes ont peut-être changés, mes enfants sont grands aujourd'hui) mais les étapes étaient évidentes CP où ils attaquaient les bases, CE1 apprentissage CE2 renforcement des acquis de la classe précédente CM1 le cran au dessus et CM2 toujours ce renforcement du CM1 et ainsi de suite.
    Maintenant à mon avis le système éducatif ne fait pas le poids contre une société telle qu'elle est devenue (TV,jeux,mode,etc...)
    Le temps de cerveaux disponible pour des gamins bien souvent livrés à eux-mêmes est un terrain de chasse idéal pour les prédateurs du système économique actuel.

    (Vite un aspirine j'ai fait plus d'une phrase).

    Plus jeune la mère de "nos' enfants (ils ne sont pas qu'à moi, ni à personne d'ailleurs) avait voulu me faire "plaisir" avec ce matériel "soir de Venise" souvenir désagréable d'un "merdier" rugueux ou la peau se dissimule,ce n'est pas sensuel,enfin si sur certain cela fait de l'effet je n'en fait pas partie.
    Zou à la chasse au muguet.

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    1. Tu as bonne mémoire.
      Les jeunes cerveaux sont en effet un terrain de chasse de premier choix et c'est là que papa et/ou maman devraient intervenir. Le soucis, c'est qu'ils n'interviennent pas toujours. Lorsque, mis en confiance, les enfants parlent, il y a de quoi frémir. Télé dans la chambre dès la maternelle, films violents jusqu'à pas d'heure dès le CP, jeux vidéo interdits aux moins de 18 ans à 8-10 ans "parce que les autres sont pas rigolos".... Comment pourraient-ils ne pas sombrer dans une fatigue, un abrutissement désastreux?
      Du coup, le fossé se creusent de plus en plus entre ceux qui sont guidés et ceux qui ne le sont pas. C'est effrayant.

      Le "merdier rugueux" est ma foi une autre approche, toute aussi pertinente! Car il est vrai que ces petites choses-là sont parfois un peu capricieuses :)

      La chasse a-t-elle été bonne?
      J'y cours mardi matin, moi, à cette chasse-là...dans le fond frais de mon jardin.

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  7. Voilà qui est dit et bien dit ! J'en apprends toujours plus sur la nullité de l'enseignement distribué à nos têtes blondes et autres.
    On s'en doutait un peu.
    En revanche, je ne sais rien du tout sur Soir de Venise, encore un truc qu'on n'apprend pas à l'école !!!
    Bisous Lo.

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  8. Aaaaah Solveig! L'enseignement manque de peps, décidément!

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