vendredi 17 mai 2013

Les énarques appellent François Hollande à entendre raison.

A ceux qui se demandent s'il est encore utile de venir à Paris le 26 mai prochain:

Un collectif de quatre-vingt-deux anciens élèves de l'ENArépartis sur trente-quatre promotions de Montesquieu (1966) à Marie Curie (2012), le groupe Cambacérès*, écrit à François Hollande.

Ils lui exposent en quoi la loi Taubira sur le mariage homosexuel et ses dérives est néfaste et contraire à l'intérêt général.

C'est fort bien écrit et frappé au coin du bon sens.






Préambule


"Notre démarche est civique et non partisane. C’est pourquoi nous n’avons pas sollicité, parmi nos anciens camarades, ceux qui sont aujourd’hui engagés au niveau national dans la direction d’un parti politique, ou élus au Parlement. Le groupe n’engage ni l’ENA, ni l’association des anciens élèves de l’ENA.


Afin de respecter leur devoir de réserve, les signataires sont tenus de rester strictement anonymes."




"Monsieur le Président de la République, 

Anciens élèves de I'Ecole nationale administration, nous avons choisi de servir l'Etat, le service public, l'intérêt général. C'est cet engagement qui motive et justifie l'alerte que nous lançons, car la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe portera gravement atteinte à l'intérêt général ou, pour reprendre les termes de I'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à "l'utilité commune". 

Ce texte a une apparence : étendre un droit au nom de I'égalité. Il a une réalité : créer par une fiction juridique une inégalité entre enfants au nom de I'égalité des adultes, en instaurant un droit à I'enfant. 

La revendication d'égalité n'est légitime que lorsqu'elle porte sur des situations comparables. En cohérence avec sa jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé en janvier 2011 que I'impossibilité du mariage entre personnes du même sexe ne portait pas atteinte au principe d'égalité, au motif que la loi peut traiter de manière différente des situations différentes, et qu'en l'espèce, au regard du mariage, le couple que forment I'homme et la femme et celui que peuvent former deux hommes ou deux femmes ne sont pas, qu’on le veuille ou non, dans la même situation. Mais on peut aller plus loin, et soutenir que le principe d'égalité, correctement entendu, s'oppose à ce que la loi prétende étendre le mariage aux couples de même sexe, car traiter également des situations différentes ne crée pas moins d'injustice que traiter différemment des situations comparables. 

Si, au nom d'une conception abusive du principe d'égalité, le mariage est ouvert aux personnes du même sexe, les couples mariés auront tous, exactement, les mêmes droits et devoirs. Cette égalité ne poserait guère de difficulté si le mariage n'était qu'un contrat entre deux adultes. Mais le mariage n'est justement pas que cela;  il est indissociable de tout le droit de la famille, de la filiation, de la parenté en droit français (contrairement à d'autres pays ayant Iégalisé le mariage entre personnes du même sexe). 

Peu importe, dès lors, que la loi ne contienne à ce stade aucune disposition étendant explicitement aux couples homosexuels la possibilité de recourir à Ia procréation médicalement assistée (PMA) : I'identité du régime matrimonial entraînera inéluctablement I'identité des droits, en vertu du principe de non-discrimination. Si deux femmes peuvent se marier, la Cour européenne des droits de I'homme imposera qu’elles puissent recourir, tout comme le couple formé d'un homme et d'une femme, à la PMA. Et nul pouvoir français, ni exécutif, ni législatif, ni judiciaire, ne pourra s'y opposer. Quand cette étape aura été franchie, ce qui ne sera qu'une question de temps, la même exigence d'égalité imposera que deux hommes mariés puissent avoir accès à la filiation, par le moyen de la gestation pour autrui (GPA). Au nom du droit à I'enfant. Comme 170 juristes l'ont écrit au Sénat, "le désir d'enfant de personnes de même sexe passe par la fabrication d'enfants (...). Le projet de loi organise donc un marché des enfants, car il le suppose et le cautionne. En l'état, ce texte invite a aller fabriquer les enfants a l'étranger, ce qui est déjà inacceptable, en attendant de dénoncer I'injustice de la sélection par l'argent pour organiser Ie marché des enfants en France". Monsieur le Président de la République, ce n'est ni un fantasme, ni une extrapolation, mais la conséquence inéluctable de cette loi. Où est I'intérêt général ? 

Le texte ouvre aux personnes du même sexe l'adoption plénière. Spécificité du droit français depuis la loi du 11 juillet 1966, ce régime, à la différence de I'adoption simple, rompt tout  lien avec les parents biologiques. Un enfant ainsi adopté sera juridiquement réputé "né de deux hommes ou de deux femmes". C'est alors tout le droit français de la filiation qui se trouvera remis en cause : dans deux arrêts du 7 juin 2012, la Cour de cassation n'a-t-elle pas qualifié I'altérité sexuelle de "principe essentiel du droit français de la filiation"?  C'est aussi oublier que l'adoption n'a pas pour objet de donner un enfant à un couple qui ne peut en avoir, mais de donner des parents à un enfant qui a perdu les siens. Au nom de I'intérêt d'adultes en mal d'enfant, et en violation de Ia Convention internationale des droits de I'enfant qui impose de faire prévaloir I'intérêt supérieur de I'enfant, cette situation créera une inégalité profonde entre les enfants. Citons encore les juristes : "l'enfant adopté par deux hommes ou deux femmes sera doté d'éducateurs, d'adultes référents, mais privé de parents car ces  parents de même sexe ne peuvent lui indiquer une origine, même symbolique. Il sera en réalité deux fois privé de parents : une première fois par la vie, une seconde fois par la loi". Monsieur le Président de la République, ce n'est ni un fantasme, ni une extrapolation, mais la conséquence inéluctable de cette loi. Où est I'intérêt général? 

A cause de tout ce qu'il induit pour vie et le statut des enfants, ce texte suscite une opposition pacifique mais déterminée, massive et croissante, que le vote précipité de la loi ne fera pas taire. Les manifestants ont été ignorés, caricatures, traités de ringards, d'homophobes. Leur décompte officiel, à Paris les 13 janvier et 24 mars, relève de ce que le droit public appelle l'erreur manifeste d'appréciation. Le ­Conseil économique, social et environnemental a été saisi d'une pétition signée par près de 700 000 personnes, première application de la loi constitutionnelle de juillet 2008. Il s'est déclaré incompétent au motif que la question portait sur un projet de loi ; ceci après que son Président, hors de toute procédure, eut cru bon de saisir le Premier ministre pour recueillir ses instructions. Dans ce contexte, les commentateurs semblent s'étonner d'une radicalisation  - heureusement pacifique - du mouvement. Mais comment s'en étonner? Et si rien n'est fait, nul ne sait jusqu'à quel point la cohésion nationale sera gravement et durablement ébranlée. Monsieur le Président de la République, ce n'est ni un fantasme, ni une extrapolation, mais la conséquence inéluctable de cette loi. Où est l'intérêt général ? 

Monsieur le Président de la République, il n'est pas trop tard pour sortir par le haut de cette impasse. Des solutions existent, dont vous seul avez Ia clef. 

"La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et parla voie du référendum". Michel Crozier écrivait qu'on ne change pas la société par décret. On ne change pas de civilisation par une simple loi. L'objection selon laquelle l'article 11 de la Constitution ne s’appliquerait pas aux sujets "sociétaux" nous paraît spécieuse. Le mariage, la filiation, l'adoption sont par essence des questions  "sociales". Un référendum est donc possible, et démocratiquement légitime. A condition que la question posée soit parfaitement claire, et que soit bien comprise la portée réelle du texte: les Français doivent être conscients qu'il est juridiquement impossible d'accepter le mariage entre personnes du même sexe sans donner du même coup à ces couples le droit à l’adoption et à la PMA. 

Une autre option existe : retirer ce texte. Deux chefs d'Etat ont ainsi écouté le peuple, François Mitterrand en 1984 à propos de l'école libre et Jacques Chirac en 2006 à propos du CPE - deux mois après le vote du texte. Monsieur le Président de la République, vous déclariez à I'époque, évoquant un  "immense gâchis" : "Il suffirait d'un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : I'abrogation. Quand on a fait une erreur, il faut savoir 
l'effacer" ; et vous demandiez :  "à quoi sert d'attendre la prochaine manifestation ?". 

I| serait alors temps de créer l'union civile entre personnes du même sexe, leur conférant les mêmes droits sociaux, fiscaux, patrimoniaux que les couples mariés à la notable et légitime exception des droits relatifs à la filiation, comblant ainsi les lacunes du Pacs et permettant la reconnaissance de cette union par un officier d'état civil, et d'engager un débat public sur la demande sociale d'un statut de "beau-parent", pour les configurations familiales dans lesquelles des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles souhaitent pouvoir partager ou se voir déléguer l'autorité parentale, en l'absence d'un lien de filiation. Un tel projet ne diviserait pas, mais rassemblerait sans doute, contrairement au texte voté, une large majorité, et l'intérêt général en sortirait grandi. 

Monsieur le Président de la République, vous avez déclaré que vous ne seriez pas "le chef de la majorité", que vous auriez "toujours le souci de ia proximité avec les Français". Le premier de vos engagements n'est-il pas d'être le garant de la cohésion nationale, et le rassembleur de tous les Français - les Français d'aujourd'hui et ceux de demain ? "


Source: Atlantico.


*Jean-Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824) a été le principal rédacteur du Code civil.

25 commentaires:

  1. transmet ça sur FB qu'on puisse le faire circuler !! bisous

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  2. certes, blablah...mais un texte qui commence par "Anciens élèves de I'Ecole nationale administration..." se discrédite de lui-même, ils auraient pu commencer par "Nous, citoyens français..." et puis ce qu'ils veulent...ça ressemble à la constitution européenne de 2005, c'était un texte qui devait commencer par "Nous, roi des Belges..." ou je ne sais quoi...quand un texte commence par cette pompe, "Nous, anciens élèves de l'ENA...", on n'a plus envie de voir la suite

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    1. Non, c'est un texte intelligent, un texte de juristes. Et puis je ne vois pas en quoi le fait d'être ancien élève de l'ENA discréditerait qui que ce soit. Curieuse idée d'y voir de la pompe. Moi ce texte m'instruit sur certains aspects de la question que je voyais moins clairement avant. Je n'y vois pas de blabla. Je regrette seulement qu'il ne soit pas sorti plus tôt.

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    2. @ Bonsoir Cherea, bienvenue chez moi et merci pour votre contribution.
      Toutefois, je ne suis pas d'accord avec vous.
      Pourquoi cette présentation serait-elle un discrédit? La qualité d'énarque donne une valeur particulière à ce texte, au contraire. Ces gens sont, en principe, amenés à s'engager au service du pays et ils en tiennent les rênes. Eux au moins, auront-ils peut-être une chance de retenir l'attention de notre président qui semble se moquer bien de ce que pensent les citoyens. Leur point de vue est intéressant aussi, ne croyez-vous pas?
      C'est dommage que vous n'ayez pas lu la suite.
      Vous devriez.

      @Madame Dubartas, en effet. Ils ont été un peu long à la détente, mais mieux vaut tard que jamais.

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    3. En ce qui concerne l'adoption, c'est clair pour cette nouvelle loi. Les enfants des couples du même sexe issus de précédentes unions (nature oblige mouaarff !) pourront être adoptés légalement par le conjoint à condition que le parent :

      1)décède (donc les enfants changent de nom et de filiation, donc d'héritage)
      2)abandonne légalement l'enfant au profit de l'amant de son ex (idem)
      3)soit déchu de ses droits parentaux (ça ne va pas être propret.

      N'oublions pas que l'héritage est une reconnaissance des droits du sang et du nom qu'on porte (père et mère).

      Un enfant ne peut pas avoir plus de deux parents à la fois en France, c'est impossible (à cause de la fameuse loi naturelle remouarrff !). Donc, il y en a un qui doit jarter dans la bande.

      A moins d'inventer une loi, un nouveau livret de famille et un nouvel extrait de famille...

      Et si on demandait aux enfants, s'ils avaient envie de se faire dire un jour par leur père ou leur mère : je ne suis plus ton père ou ta mère. On n'a plus rien à faire ensemble ?

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  3. Ils vont presque finir par remonter dans mon estime, voire par ressembler à des êtres humains, perspective ô combien baroque pour eux.

    Cependant je ne savais pas que ces grands enfants pouvaient encore croire au Père Noël...

    @Cherea

    En effet, ce n'est pas faux.


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    1. Tchetnik, comme quoi, il ne faut douter de rien.
      Tous les énarques ne sont pas aussi caricaturaux que certaines personnalités en vue.


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  4. Elle est très bien leur lettre mais, si cette loi les dérange tellement, pourquoi se réveillent-ils si tard ? Pourquoi n'avoir pas fait jouer leur réseaux, histoire d'essayer d'agir plutôt que de réagir à une loi votée ?

    C'est assez étrange.

    Mais bon, il n'est jamais trop tard pour dire non:
    le 26 mai, tous a Paris, y seront-ils ?

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    1. Corto, c'est vrai. Ils se réveillent tard. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être ont-ils cru que le capitaine finirait par reprendre les commandes du navire. Ce que tout le monde attendait effectivement qu'il fasse.
      Il ne l'a pas fait.
      Alors, ils ont fini par réagir.
      C'est toujours mieux maintenant que jamais.

      Ce serait une bonne chose qu'ils viennent le 26, en effet.
      Peut-être y'a-t-il moyen de leur poser la question?

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  5. après avoir fait gober à des générations de gosses qu'ils ou elles étaient né(e)s dans des choux ou dans des roses et que Jésus n'est pas le fils de son père il ne me semble pas immoral que les cigognes délocalisent la "fabrication d'enfants".
    Putain d'oiseaux migrateurs.
    Bzzz...

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    1. Du moment que les pies ne s'en mêlent pas...

      Bzzzbzzzz

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  6. Je serai ravie de t'y retrouver!

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  7. Cette manifestation du 26 mai me fait peur, sois prudente.

    Bisous !

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    1. Tu as raison, il va falloir faire attention. Ça risque d'être chaud.
      Je ferai très attention, ne t'inquiète pas.
      Et de toute façon, je n'irai pas seule.

      Des gros bisous!

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  8. On ne lâche rien, le 26 à donf'

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    1. Vlad, à donf prudent quand même. Pas la peine de prendre un coup de matraque en pleine poire. Même pour la cause.

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  9. je vois d'ici les cas de conscience le jour de la fête des mères aller battre le pavé ou bien chérir sa génitrice devant le gigot dominical.
    Bon courage.

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    1. L'un n'empêche pas l'autre bourdon.
      On peut très bien se lester au gigot et aller le digérer ensuite dans la rue en bourdonnant :)

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  10. Hors-sujet Froufrou et donc zéro pointé :

    As-tu vu ce nouveau cas de cocaïne trouvé dans une école primaire ?
    Et des élèves en ont goûté, en plus…
    Pluss le cas du collégien qui s'amuse à piquer les autres élèves avec une seringue usagée.
    Non, mais tout le monde devient fou ou quoi ?

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    1. Koua? Mais m'dame, jé fé attenssion a l'ort..l'ohtho..l'écritur cet foi! Vazy s'est pa juste!

      Coucou la Mouette! Ça ne m'étonne pas. Les gosses sont curieux et la poudre blanche, ça rappelle celle des soucoupes volantes qui pique la langue. Quant aux fous dingues qui jouent à piquer, m'étonnent pas non plus. On parie qu'ils sont gavés de jeux vidéos et de films un peu relevés depuis qu'ils ont 6 ans?

      C'est bien joli de vouloir faire croire que tout va bien chez les mômes, mais un beau matin, on réalise que depuis 20 ans, ça dérape dur. Et alors à ce moment-là, c'est un peu difficile d'inverser la vapeur.

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  11. Je suis sans doute naïve mais je n'arrive pas à comprendre comment/pourquoi ce gouvernement peut être aussi sourd.




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    1. le peuple a toujours été le pire ennemi des démocrates. Ils en ont toujours eu peur, ce depuis 1789.

      Ce régime n'est qu'une grande fumisterie dans lequel le peuple reste et restera toujours le premier cocu.

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  12. @mp contester c'est un droit,mais il faut des cordes vocales.

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