lundi 31 octobre 2016

Pomme de Normand

Nous revenons de Normandie, où vit l'essentiel de ma famille.

Je ne m'étendrai pas sur ma méconnaissance quasi-totale de cette région, c'est trop long à raconter. Le fait est que j'ai bien failli laisser chacune des racines qui m'y rattachaient s'effilocher l'une après l'autre. Il était temps.

Toujours est-il que quelques atavismes solides me rappelaient régulièrement à mes infidélités. Je veux parler des pommes, de la bonne crème, du cidre et du calva, que je revendique haut et fort.

Mes chères filles et mon mari adoré m'attribuent une prétendue manie de ne jamais répondre franchement, ce que je trouve discutable. On me prête aussi un goût malsain pour la chicane à coups de textes de loi. C'est exagéré. Je me défends contre les malhonnêtes, c'est tout. Peste soit des fâcheux!
Toujours est-il que cette escapade a été l'occasion de revoir des gens que je n'avais pas vus depuis des lustres et aussi, d'enseigner à mon cher et tendre époux qu'en Normandie, il est de sujets avec lesquels on ne plaisante pas.

Le plus important:

la pomme.


Ma tante, la femme du frère de mon père, nous a servi un bourdelot en dessert. Prononcez "bourd'lot' pour ne pas passer pour un Parigot.


Ce délice aurait pu être simplement dégusté, avec les commentaires goulus de mise.
Que nenni, à Falaise, on décortique la question.
Pour commencer, mon oncle, le frère de la soeur de mon père, a fait observer que ma tante FDFDMP* faisait des infidélités à la maison Serais, connue entre toutes pour ses bourdelots et ses sablés.

Ma tante lui a répondu que chez les autres, c'était bien aussi et que d'ailleurs, elle avait fourni les pommes elles-même. Croyez-vous qu'un pommier Calville pousse dans son jardin? Pas du tout. Elle était allée acheter les pommes au marché, parce que la pâtissière n'avait plus de Calvilles et refusait de faire les bourdelots avec d'autres pommes. C'est aussi simple que ça.
Là-dessus, très sérieusement, l'oncle FDLSDMP** assène qu'effectivement, pas de bourdelots sans Calvilles ROUGES.
Avec les Calvilles blanches, pas question.
Quiconque se compromet à fourguer de la pomme de base à un Normand soucilleux s'expose à des représailles. C'est clair.

 
Bon pour les bourdelots                                 Pas bon pour les bourdelots

Dégueu, pouah! Autant faire les boudelots avec des poireaux.

Tout en dégustant ce sublime dessert feuilleté à souhait, fondant, acidulé, tout en onctuosité de pommes fondues et goutues, nous avons enchaîné sur le caractère de Normand  cochon des satanés pommiers. Dans le jardin de ma tante FDFDMP, ils ont refusé de donner la moindre pomme pendant des années. Il s'en est suivi l'appel à l'aide un voisin expert en pommiers récalcitrants qui s'est livré à une leçon d'éducation (le pommier gâté ne donne rien. Il faut le traiter à la dure comme les gamins d'autrefois) et à une taille des racines compliquée, exposée en détail, dont il a résulté une récolte miracle. On a tout de suite senti se tendre un voile de respect pour le gars.

Mon époux est revenu édifié de l'escapade. La première leçon a marqué son homme:
en Normandie, on ne plaisante pas avec les pommes.



*femme du frère de mon père
**frère de la soeur de mon père



16 commentaires:

  1. Je cautionne tout à fait la réponse précautionneuse qui sait ne pas t'entraîner dans une chaîne de vengeance dont on ne s'extirpe qu'à coups de wehrgeld ou de hache à double tranchant sur son adversaire. Bon, on en a écrit de magnifiques saga, mais a-t-on, à ct'heure le temps de se livrer à ce genre d'activité ? Moi, je dis non !

    Quant aux textes de loi, n'oublions pas qu'Odin lui-même doit s'y soumettre puisqu'il les a gravées sur la hampe de sa lance ! Il ferai beau voir qu'un Normand, digne de ce nom, ne puisse citer de mémoire l'article de loi qui ne tranche pas le conflict !

    Tes filles sont des malheureuses ! Quant à l'époux adoré, on lui pardonne, il n'est pas de chez nous, cependant il tombera, comme les autres, sous le coup de la loi germanique qui stipule qu'une épouse vengera toujours les membres de sa propre famille d'origine au profit de la famille par alliance, quitte à estourbir la famille du bonhomme et le bonhomme s'il le faut pour laver sa dette d'honneur.

    Alors, attention, hein !

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    1. Mon tendre époux étant le digne héritier d'un autre genre de finasserie tortueuse, ça promet des lendemains intéressants dans la baraque. Ainsi donc, la famille d'origine prime sur la famille par alliance? Sacrebleu! Bon, par chance, ma famille par alliance a l'air assez conciliante. J'éviterai ainsi la pénible corvée d'estourbir qui que ce soit. Quant à mes filles, elles finiront bien par comprendre la logique de cette prétendue manie.

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  2. Ayant eu quelques ancêtres Normands , il y a un certain temps, du côté de ma mère , je suis obligée aussi de dire qu'ils s'étaient alliés aux Bretons au fil du temps, donc, nous pouvons hésiter entre le calva et le chouchen mais je me dois de reconnaître qu'il me serait impossible de faire une différence entre les pommes, c'est pas vraiment mon fruit préféré par ailleurs, je pense que mes ancêtres pourraient considérer cet oubli des racines comme une insulte, aussi je ne me lancerai pas dans l'histoire ! et pourtant, côté caractère, je pense que les gènes étaient sacrément enracinés eux,têtue et discuteuse comme un guerrier Normand devant le partage d'une razzia que je suis, donc, je pense qu'il n'est pas étonnant que tu les possèdent aussi, c'est normal, c'est Normand

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    1. Tu as AUSSI des ancêtres normands? Ma parole, tu es partout!
      Tu n'as peut-être plus les pommes dans les gènes (encore que quelques petits desserts de derrière les fagots pourraient bien relancer tout ça), mais ma parole, tu ne te laisses pas faire, ça c'est sûr!

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  3. " mon époux adoré " , j adore, vraiment, j adore !
    Quant au Calva, contrairement à ce que l on croit, le meilleur est celui de la Manche. L'air de la mer sans doute.

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    1. Oui Corto, et encore, je minimise.
      Sinon, pour le calva de la Manche, je t'avoue que je ne sais que dire. En Normandie, chacun va, dans ce domaine, affirmer toutes sortes de choses et risquer la discussion est au-dessus de mes compétences. Pour ma part, le meilleur que j'ai jamais goûté venait de l'Orne. Mon père en gardait une bouteille au fond de laquelle trônait une araignée, mais je ne sais pas ce qu'il valait, j'étais trop petite pour goûter. Tu as des adresses?

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    2. @ Corte : il n'y a pas de quoi se gausser ! Surtout quand on sait que chez Lo Froufrou tout finit invariablement au même endroit, c'es-à-dire dans le four !

      Si elle pouvait me réserver les arpions emmiellés dudit mari zadoré, je ne dis pas non pour une entorse à mon régime végétarien ; après tout, c'est Samhain !

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    3. Pas question! Je me les garde!

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  4. A partir du moment où tu commence à remonter le temps avec un arbre généalogique, c'est incroyable ce que l'on trouve comme branches de toutes régions et de tous pays ! on est quand même bien de partout dans cette foutue famille et c'est pourquoi j'aurai plus de facilité à estourbir certaines branches

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  5. Oui, oui, il est avéré que les enfants sont plus proches de l'oncle maternel que paternel en Allemagne qui, lui-même, en un temps où les hommes ne s'occupaient absolument pas des enfants, se laissait aller à certains marques de tendresse et de préférence, ce qui n'allait pas forcément de soi, avec ses propres enfants.

    Tout cela rest inexplicable pour nous qui sommes influencées par la loi romaine où seul le père reconnaît ou pas ses enfants (sauf cas de naissance sous x). Voir l'exemple de Louis XIV qui a reconnu ses bâtards au rang d'enfants légitimes, qu'importe la mère au fond.

    En Allemagne, si un homme n'est pas marié avec la femme avec laquelle il vit et a eu des enfants, ses enfants même reconnus ne peuvent pas porter son nom. Ils portent le nom patronymique de la mère.

    Chez les Latins, les mariages morganatiques n'existent pas. La décision du mâle prime sur toute la famille. Dans les pays germaniques, une femme de rang inférieur fait déchoir le mari de son rang s'il est supérieur. Le mariage pouvait être même considéré comme pas "viable".

    C'est pourquoi, les Vikings et les Francs pouvaient avoir plusieurs épouses, mais une seule susceptible de procréer des héritiers reconnus : ces femmes "supérieures" étaient considérées comme des "ventres de souveraineté". En vertu de la coutume qui voulait que la famille maternelle était plus importante que la famille paternelle, ces reines, à la mort du roi, n'hésitaient à faire assassiner les enfants des lignes précédents et suivants pour assurer l'avenir de leurs propres enfants.

    C'est ce qu'a fait Clothilde, la femme de Clovis, avec les enfants et les petits enfants de son beau-frère et Berthe aux grands pieds avec ses neveux et nièces afin que Charlemagne puisse devenir Empereur incontesté.

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  6. Moi qui suis Normande pure souche, le nom de cette tarte ne me dit rien du tout ???

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    1. Toi aussi, tu es Normande? Je commence à mieux comprendre le côté fine gueule :)
      La tarte en question est falaisienne. Sinon, en principe, un bourdelot, c'est une pomme ou une poire enrobée de pâte brisée ou feuilletée. Mais à Falaise, c'est ça.

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    2. @ Dalton : vous seriez bien inspirée de ne pas nous mettre à dos les Falaisiens en plus des autres sinon la sous-ventrière va lâcher...on a déjà Daesh et Hollande ! Merci !

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  7. Chère Lo tu sembles heureuse dans ta nouvelle vie :) quand à la famille de ton époux adoré, ils ont certainement tous déjà succombé à ton charme.
    Je vais essayer cette recette, peux-tu me poster un lien ?

    Bisous !

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    1. Je suis très heureuse, c'est vrai. Je ne sais pas s'ils ont succombé à mon charme, mais on s'entend bien. D'ici quelques années, on se lancera peut-être des paprike pourris à la figure avec force insultes salaces, mais nous en sommes encore loin.
      Quant à la recette, elle n'existe nulle part, parce qu'elle est très simple. Il faut faire une pâte feuilletée inversée (tu l'as quelque part sur ce blog), l'étaler finement et coller un rebord d'environ 1cm tout le long et le guillocher. Tu dores à l'oeuf. Tu achètes des Calvilles ROUGES, tu les épépines mais ne les épluches pas. Coupe-les en quartiers grossiers et place-les sur la pâte. Saupoudre généreusement de sucre et de quelques larmes de calva. Tu mets tout ça au four chaud jusqu'à ce que ce soit bien doré et tu dégustes tiède avec un bon cidre. Là, c'est quasiment le Paradis.

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