mardi 15 août 2017

Hymne à l'Alsace du nord

Me voilà de retour dans la ville, avec un enthousiasme modéré. J'admets que c'est agréable de retrouver mes chats chéris, mais si j'avais pu, je serais restée pour toujours encore un moment en Alsace.
Centre de sauvegarde de la faune sauvage de Loosthal. Les cigognes libres viennent tenir compagnie à leurs copines en cage qui sont soignées.

 Alsace du nord s'il-vous-plaît. Là où le touriste ne va pas, faute de vinasse en suffisance ou d'abondances fleuries aux balcons. Parce que c'est un bout du monde aussi, sans doute.

Le chat chéri aîné trônant devant les courgettes alsaciennes.

Pourtant, c'est beau. De cette beauté pas fardée qui fait la charme des lieux qui peuvent encore vivre sans touristes.

Zittersheim, vue du jardin où nous prenions notre petit déjeuner.

 Les forêts sont sombres, pentues et tourmentées à souhait, pleines de rochers majestueux enserrés par les racines des arbres immenses. A défaut des trolls qu'on s'attend à voir surgir de derrière les fougères, quelques chevreuils nous sont passés sous le nez.


A l'occasion d'une de ces promenades, j'ai eu le grand honneur de faire connaissance avec les fourmis des forêts. Celles qui construisent des tumuli énormes qui communiquent les uns avec les autres.


Essayez un peu d'approcher pour observer ces dames. Elles attaquent direct. J'ai eu beau fuir sans demander mon reste, elles ont continué à me mordre très loin des précieuses fourmilières. Les bestioles n'aiment pas les étrangers.

Vue d'en bas
 Vue d'en haut.

  
Dans les forêts, on trouve aussi des châteaux qui ont de la gueule, bien que tous ravagés par les armées de Louis XIV au cours de la conquête du Palatinat.

Par exemple, Fleckenstein. 


Même du temps de sa splendeur, l'endroit devait être un poil austère, surtout sans électricité, chauffage et tout le bazar. Ça vous pétrit de respect son gueux.

C'est ainsi que, tout étourdis devant ces sévères édifices, nous sommes allés nous encanailler chez les faiseurs de feu. L'Alsace du nord demeure en effet un endroit où on le dompte de toutes les manières possibles, pourvu qu'il chauffe dur et qu'il soit maîtrisé.  D'où l'existence de cristalleries et de potiers. Lalique et Saint Louis, c'est ici. Des merveilles de délicatesse sorties d'un enfer de chaleur et de manipulations stupéfiantes. Et encore, les ouvriers d'aujourd'hui travaillent dans des conditions correctes; il y a cinquante ans ou plus, c'était autre chose.

Premiers Gallé exposés à 'ancienne cristallerie de Meisenthal

Cristallerie Lalique: extraction d'un four en terre refractaire. Pas plus de trois secondes devant le four chauffé à plus de 1400°C obligent à un ballet, où chacun sait exactement quand il doit intervenir pour relayer le collègue. Imaginons l'époque où les tenues ignifuges n'existaient pas.
Les potiers de Betschdorf ou de Soufflenheim travaillent chez eux, encore en famille pour beaucoup. Eux aussi ont appris à maîtriser les caprices des cuissons au four: la poterie, c'est autre chose que de passer un poulet à la broche. En flânouillant, j'ai atterri dans l'atelier de Monsieur Ruhlmann, un ancien des Arts Décoratifs  qui travaille encore à l'ancienne (four à bois et vernissage au sel) avec sa femme. Un superbe capharnaüm  plein de merveilles.

Les poteries gravées et peintes à l'oxyde de cobalt, en attente de cuisson, laquelle n'est organisée qu'après quelques mois, tant la préparation du four est longue.

Deux des précieuses tasses achetées à Monsieur Ruhlmann. Technique du grès au sel: du sel est projeté dans le four à 1250°C en fin de cuisson: les vapeurs de sodium s'amalgament à la silice présente dans l'argile pour former une fine couche de verre un peu granuleux en surface. Les poteries ainsi traitées sont absolument étanches.

Comme la vie n'est pas faite uniquement de forêts et de poteries, il a été parfois question de manger. Là, inutile de commenter, les images parlent d'elles-mêmes.

Eaux de vie diverses de chez Hepp: abricot, coing, framboise... et une belle réserve de miel de sapin et de forêt.
Le kugelopf de chez Boistelle, à Saverne

Sublime choucroute de chez Meisenlocker à Strasbourg                                  































































    Charcutailles achetées au marché 
de Wingen sur Moder, 
chez la plantureuse Madame Schwab.





Je m'arrête là? J'ai pitié?
Allez, encore une petite!

N'oublions pas la tarte flambée. Les gens qui la proposent sont éleveurs en semaine. Les vendredis, samedis et dimanches soirs, ils deviennent restaurateurs pour arrondir leurs fins de mois. Pas des feignants... On s'en est collé des ventrées scandaleuses en rugissant d'extase.

LA tarte flambée. La Grange. Neuwiller.

16 commentaires:

  1. j'ai aussi de merveilleux souvenirs de vacances passées dans cette Région un petit village en hauteur, Aubure, pas loin de Colmar, et un autre village près de Munster, dans ces régions, l'accueil est chaleureux, discret, c'est pas le sud hein !! pareil d'ailleurs en Allemagne, vers Heidelberg, région que j'adore !
    bon retour les jeunes j'espère que vous vous êtes bien reposés et que David à bien récupéré, bises à bientôt

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    1. Tu connais la région d'Heidelberg? Il va falloir que tu me racontes ça. Oui merci Boutfil; on continue à dormir comme des souches et les charcuteries de Madame Schwab nous ont rosi le teint. Maintenant, "jeunes", tu es gentille. :)
      Grosses bises!

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    2. Dans le sud, cette année, l'accueil était plutôt ardent !

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  2. Très beau compte-rendu de séjour en Alsace où j'ai l'honneur de vivre, dans une bourgade de la route des vins mais qui n'arrête pas le touriste (entre Obernai et Riquewihr). Tous les jours au paradis !

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    1. Dame Ginette, je suis très honorée de recevoir des compliments d'une Alsacienne. Merci. Quelle chance vous avez de vivre dans ce pays béni! C'est vraiment un immense privilège.

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  3. Ah so ! Je vois que vous vous êtes faits une plâtrée de germanique...Est-ce que ça parle encore alsacien dans le coin ?

    Ton reportage m'a mis les larmes aux yeux. J'avais complètement oublié que l'Alsace comme le Pfalz, ces régions de relief, de forêts sombres, baignées par le Rhin, sont à l'origine de toutes nos légendes germaniques.

    La verrerie ou la poterie m'ont toujours fascinée et effrayée. D'abord, j'ai une phobie de tout ce qui ressemble de près ou de loin à du feu. Alors, quand le verrier ouvrait la gueule brûlante de son four, autant dire que j'étais près de la porte de sortie. Mais il faudrait être borné des neurones pour ne pas être hypnotisée par la chorégraphie entre les verriers et leur assistance, tout cela sans un mot. Ca coupe, ça tourne, ça tord, les verriers virevoltent autour de la pièce, la renfournent, la ressortent aussi sec, s'assoient avec la canne sur le genou, la font rouler, se relèvent...on n'y voit que du feu quand eux y voient déjà une réalisation, on se dit, oups, ça ne ressemble à rien et puis, ô miracle, une forme s'extirpe de la masse couleur gorge de pigeon !

    Ces artisans alchimistes, au même titre, que les forgerons ou les potiers sont possédés d'un savoir de la matière qu'on ne peut connaître que par l'expérience transmise au travers de la maturation de l'apprentissage et du ressenti de l'oeil, de l'oreille, de l'odorat, de l'âme...une voix intérieure qui dit "quand il faut faire et quand il ne faut pas faire"..."quand ça part bien et quand, non de non, aujourd'hui, ça ne veut pas".

    On retrouve ce savoir magique dans les légendes du bord du Rhin : les femmes tissent des tombereaux d'or à partir de ballots de paille, les nains tordus de corps et d'esprit tirent des entrailles de la terre la matière qui constituera des trésors fabuleux après sa transformation, des forgerons surdoués, fabriquent des épées fabuleuses et des capes magiques...tout un message symbolique et merveilleux dans un univers iphonisé et désanchanté qu'on veut nous vendre comme le fin du fin de l'humanité.

    Les monticules de fourmis, j'en ai connu en Pologne aussi. elles ont l'art d'empiler des aiguilles de pin. Ces bestioles ont un cordon sécuritaire qui va bien au-delà du simple tumulus et elles sont redoutables. Ce qui est marrant, c'est de lancer un biscuit sur le sommet de la fourmilière. Il existe une nanoseconde d'immobilisation,de silence, puis une surexcitation du groupe, ça part dans tous les sens...la fourmilière change de couleur...les fourmis se lancent à l'assaut de l'intrus...en peu de temps, il est débité et emporté. Un Kugelhopf ne leur ferait pas peur, surtout si ces fourmis parlent l'alsacien !

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    1. Lecanasson, voilà un bien beau commentaire. Tu as très bien résumé l'impression que m'a fait ce pays, mais j'aurais été incapable de la mettre en mots. Je n'ai pas tenté le lancé de kugelopf sur les fourmilières. Il eut fallu que je préparasse la randonnée un peu plus à fond: bottes d'égouttier, kugelopf dans la poche, dico d'alsacien...J'ai négligé ces détails. Erreur!

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    2. Toute la tradition pointilleuse d'un savoir ancestral, le nourrissage des fourmis alsaciennes...

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  4. C'est curieux mais cette région ne m a jamais attiré sans que je ne sache pourquoi alors que visiblement elle a tous les charmes nécessaires pour me séduire
    Bisous

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    1. C'est parce que tu es du Sud. Un petit gars du Sud ne peut pas trahir son sang pour le Nord, même charmant. C'est logique.
      Dans ce billet je n'ai pas insisté sur les commentaires glanés à droite à gauche sur les questions politiques et ethniques mais quelque chose me dit qu'ils auraient coulé comme du miel dans tes chastes oreilles. Bises à toi!

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  5. région inconnue car peut-être moins bien desservie par les transports? J'avoue, je découvre ici même, merci.
    Bzzz...

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    1. Et pourtant si. Il s'y trouve encore pas mal de petites gares et les routes sont bonnes. C'est juste que le vacancier préfère la mer, que les Vosges sont humides et que la proximité de l'Allemagne n'excite pas son monde. je ne vois rien d'autre qui explique ce mystère.
      Bzzzzzzzzz!

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  6. C'est étrange l'Alsace ne m'a jamais attiré mais je vois que toi tu l'aimes, curieusement je te voyais plus en Grèce< ;) J'aime Strasbourg où il y a des bouquinistes formidables. Le poulet de Bresse , je ne sais plus si c'est en Alsace mais il est délicieux.

    Je t'envie le chat chéri aîné :)

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    1. Le chat chéri aîné et présentement en train de se prélasser à côté de moi. La Grèce, c'est très beau aussi. Surtout le Nord qui est plein de forêts avec des ours. Je ne sais pas trop où je finirai par atterrir, dans le Nord de quelque part, sans doute. Ça tombe bien que tu sois dans le Nord de la Serbie :)
      Le poulet de Bresse, c'est le Sud de la Bourgogne et c'est délicieux, oui!
      Des bises

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  7. Ah bon , le poulet de Bresse vient de Bourgogne :) Hier soir avec des amis , autour d'un kotlic, on parlait de la Serbie et entre autre du Sud. J'ai raconté comment tu m'avais sauvé d'une nuit d'angoisse, tu te rappelle ? Bisous !

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    1. Un kotlic! Cuite dans la marmite suspendue dehors et tout et tout? Ça fait rêver... On s'en est raconté, des choses, ahlala! Mais je vais avoir besoin que tu me rafraîchisses la mémoire sur le sauvetage en question. Tu m'envoies un mail? Bises

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